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Extrait

Flore, un campus paradisiaque

Julien Gracq, Lettrines 2, 1974

La flore aussi me captivait, et les beaux arbres : l’érable, le chêne  noir avec ses feuilles pendant à la verticale, le sumac buissonneux, le shag bark hickory : l’Amérique du Meschacebé transparaissait là encore, tenue en lisière , mais non domestiquée, toute prête à reconquérir et à reverdir. Quand je rentrais de l’université, je cherchais de loin à surprendre les queues arquées des écureuils émergeant toutes seules de l’herbe, avec leur panache d’un gris argenté- sur les pelouses du campus, les chipmonks aux flancs rayés s’asseyaient, pour grignoter, sur leur petit derrière. Plus douces, plus drôles, plus familières qu’en Europe, toutes ces bêtes menues et naïves me fascinaient : un peu moins éloignées que chez nous, on eût dit, d’essayer de parler aux hommes.

Julien Gracq, Lettrines 2, 1974, Œuvres complètes, p. 379
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