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Extrait

Le plaisir aux risques du voyage

Théophile Gautier, Voyage en Espagne

Ce qui constitue le plaisir du voyageur, c’est l’obstacle, la fatigue, le péril même.
Quel agrément peut avoir une excursion où l’on est toujours sûr d’arriver, de trouver des chevaux prêts, un lit moelleux, un excellent souper et toutes les aisances dont on peut jouir chez soi ? Un des grands malheurs de la vie moderne, c’est le manque d’imprévu, l’absence d’aventures. Tout est si bien réglé, si bien étiqueté, que le hasard n'est plus possible [...].

Un voyage en Espagne est encore une entreprise périlleuse et romanesque ; il faut payer de sa personne, avoir du courage, de la patience et de la force ; l'on risque sa peau à chaque pas ; les privations de tous genres, l'absence des choses les plus indispensables à la vie, le danger de routes vraiment impraticables pour tout autre que des muletiers andalous, une chaleur infernale, un soleil à fendre le crâne, sont les moindres inconvénients ; vous avec en outre les factieux, les voleurs et les hôteliers, gens de sac et de corde, dont la probité se règle sur le nombre de carabines que vous portez avec vous. Le péril vous entoure, vous suit, vous devance ; vous n'entendez chuchoter autour de vous que des histoires terribles et mystérieuses.

Théophile Gautier, Voyage en Espagne. Tras los montes, Paris : Laplace, Sanchez et Cie, 1873, p. 300-301.
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