L’Iliade et Troie entre mythe et histoire

Le cheval de Troie
« L’objet merveilleux qu’avait érigé Epius (je n’ai pas plus de détails sur cet objet), ils l’ont monté, à l’aide de machines, de cordages et de câbles, sur quatre roues énormes et très solides. Puis, tous ensemble, ils s’y attelèrent. Pas un ne se dérobe : chacun tire, pousse, s’évertue. Ils ont eu beaucoup de peine à faire avancer cette machine en forme de cheval. » (Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, v. 25895-25904, trad. Emmanuèle Baumgartner et Françoise Vielliard.)
Rédigé vers 1165 par Benoît de Sainte-Maure, le Roman de Troie est un long poème fondé sur deux résumés tardifs de l’œuvre d’Homère, écrits en prose respectivement aux 4e et 6e siècles par Dictys de Crète et Darès le Phrygien, qui passaient au Moyen Âge pour avoir participé aux événements, l’un dans le camp des Grecs, l’autre dans celui des Troyens. Reçu avec succès, l’ouvrage bénéficia de l’engouement de l’Italie du trecento pour la littérature française. Le présent exemplaire est doté d’une illustration continue et légendée. La peinture du feuillet 175 verso montre les Troyens introduisant le cheval fatidique, désigné par la rubrique « Le cevaus de bronz », dans leur cité dont la porte a été agrandie à cet effet.
Des commentateurs ont cherché à démystifier le cheval de Troie. Pausanias pensait que les Grecs avaient utilisé un engin en forme de cheval pour enfoncer les murailles de Troie. Selon le mythologue Robert Graves, « il est probable que Troie soit tombée grâce à une tour en bois montée sur des roues, recouvert par des peaux de chevaux, mouillées, pour la protéger contre les traits enflammés, et qu’on aurait poussée contre les points faibles de la défense qui étaient connus ». L’archéologie atteste en effet d’une rupture dans les fortifications qu’Homère ou ses informateurs ont sans doute remarquée, faisant dire à Andromaque qu’à cet endroit la cité est mal protégée.
© Bibliothèque nationale de France
Plus qu’un récit de la guerre de Troie, l’Iliade est l’histoire de la colère d’Achille, de sa rancune qui le maintient hors du combat jusqu’à ce que la mort de son compagnon Patrocle le jette à nouveau dans la guerre, par vengeance. Ce qui fait dire à Jacqueline de Romilly que « l’Iliade ressortit plus au genre dramatique qu’au genre épique » (Hector, Le Livre de poche, p. 44).
L’histoire de Troie et de tous les héros de la guerre est contée par de nombreux autres écrits, et a fait l’objet d’une abondante représentation dans tous les domaines artistiques. Ainsi en connaît-on les principaux épisodes sans avoir lu l’Iliade. Homère prend la guerre dans sa dixième et dernière année, sans l’amener à son terme, la chute de Troie. Il décrit – sans prendre parti pour l’un ou l’autre camp – quelques journées de combat dans la plaine et devant les murs de la ville, l’affrontement entre Achille et Hector, qui en constitue l’apogée, et il clôt son récit par les funérailles d’Hector.
L’intervention incessante des dieux dans le cours du combat, les relations étroites entre les Immortels et les héros imprègnent le récit homérique. La société des dieux ressemble à celle des hommes : ils discutent et se querellent, mais le dernier mot revient toujours à Zeus, le « père des dieux », comme à Agamemnon, « protecteur de son peuple ». La réalité historique de cette guerre, sa datation, la situation géographique de Troie, l’origine des peuples en présence, l’existence des héros ont soulevé des questions et suscité des recherches archéologiques et des débats passionnés, sans pour autant apporter de réponses définitives.
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