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Le nom de la langue

Hache à la tête de lion
Hache à la tête de lion

Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

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Comment décider du nom d’un langage disparu depuis des centaines d’années ? Le cas de la langue parlée en Iran depuis au moins le 3e millénaire av. J.-C. jusque vers 1000 ap. J.-C. pose question aux chercheurs. Le terme « élamite », qui s’était imposé au début du 20e siècle, est aujourd’hui contesté par l’archéologue et linguiste François Desset. Il propose une nouvelle appellation : hatamtite et nous explique pourquoi.

L’auto-glottonyme – le nom de la langue donné par ses propres locuteurs – de la langue parlée dans le sud de l’Iran du 3e millénaire av. J.-C. au 1er millénaire ap. J.-C. n’est pas connu. Depuis sa redécouverte dans la première moitié du 19e siècle ap. J.-C., cette langue a pu être qualifiée de « mède », « scythe », « sace », « susienne », « amardienne » ou « anzanite ». Le qualificatif « élamite » apparaît quant à lui en 1850 sous la plume du linguiste autrichien Isidore Löwenstern, mais ne s’impose qu’au tout début du 20e siècle sous l’influence de philologues allemands sémitisants. Le grand épigraphiste de la mission française à Suse, Vincent Scheil, parle cependant toujours en 1928 de langue « anzanite » (du nom de la ville antique d’Anzan).

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© Bibliothèque nationale de France

Élamite ou hatamtite ?

Le terme « élamite » vient de l’usage du signe cunéiforme 𒉏 (NIM) dans les textes mésopotamiens pour désigner une partie du plateau Iranien. Ce signé était probablement lu « Elam » en sumérien ou « Elamtum » en akkadien ; il renvoyait possiblement dans les représentations mésopotamiennes à la notion de « hautes-terres (orientales) ». Le roi mésopotamien Shoulgi (vers 2094-2046 av. J.-C.) pouvait ainsi se vanter de maîtriser la « langue 𒉏 » aussi bien que le sumérien.

Dans les sources arabes et persanes du 1er millénaire ap. J.-C., un autre nom apparaît : celui de khouzi. Il est sans doute basé sur le toponyme iranien (vieux-perse) Houja, qui renvoie à Suse ou la Susiane.

Cherchant depuis plusieurs années à dissocier l’histoire du plateau Iranien des représentations mésopotamiennes, je propose de ne plus recourir aux termes « Élam », « langue élamite », « écriture proto-élamite » ou « écriture élamite linéaire ». Dans les sources écrites du 3e au 1er millénaire av. J.-C. est attesté un auto-toponyme (nom d’un lieu donné par ses propres habitants), « Hatamti » (ou peut-être « Hadamti »). Il peut être utilisé pour former le glottonyme hatamtite. Le terme « Iran », dans son acception géographique actuelle, peut également être employé afin de désigner les écritures proto-iraniennes ancienne (« proto-élamite ») et récente (« élamite linéaire »).