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Focus

Les rédacteurs de l'Encyclopédie

Célébrités météoriques et fidèles obscurs
Frontispice de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert
Frontispice de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert

© Bibliothèque nationale de France

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Dans le Prospectus de lancement de l’Encyclopédie, Diderot annonce s’être assuré la collaboration de cinquante-cinq rédacteurs, parmi lesquels apparaissent les plus grands noms du monde littéraire et scientifique. En réalité, ils seront plus de cent soixante, et pas des plus connus.

Les « grands noms »

Les gloires de l’époque ont peu collaboré à cet obscur travail ou bien l’ont lâché en se fâchant. Ainsi Rousseau, après avoir produit cent quatre-vingts articles de musique (et l’article « Économie politique »), se retire complètement, furieux contre l’article « Genève » de d'Alembert. Fontenelle, Buffon et Montesquieu, qui avaient promis leur contribution, s’esquivent. Voltaire écrit, du bout de la plume, quarante-cinq articles anodins de littérature et d’histoire.

Jean-Jacques Rousseau
Jean-Jacques Rousseau |

© Musée des Beaux-Arts Antoine Lécuyer, Saint-Quentin (Aisne)

Voltaire par Maurice-Quentin de Latour
Voltaire par Maurice-Quentin de Latour |

Bibliothèque nationale de France

D’Alembert lui-même démissionne de la co-direction en 1753. Revenu quelques mois plus tard pour se consacrer uniquement aux articles de physique et de mathématiques, il abandonne définitivement, à la suite de dissensions avec Diderot, au début de 1758.

Une armée d’auteurs fortement investis

Claude-Hadrien Helvétius
Claude-Hadrien Helvétius |

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En revanche, d’autres, moins illustres et plus fidèles, travaillent sans relâche. Le chevalier de Jaucourt accomplit un immense labeur de compilation et de vulgarisation, extrayant ou synthétisant un nombre invraisemblable de textes pour signer finalement dix-sept mille articles sur absolument tous les sujets. Le baron d’Holbach, banquier autour duquel gravite un groupe d’intellectuels athées anticléricaux, qui publie sous l’anonymat des pamphlets contre la religion, rédige quatre cents articles concernant la minéralogie et la métallurgie, le plus souvent sans les signer. Il ouvre sa riche bibliothèque à Diderot. Helvétius, fermier général qui fait partie du cercle d’Holbach, soutient financièrement les encyclopédistes.

Parmi la foule des rédacteurs, on trouve également des académiciens (La Condamine, Marmontel), des aristocrates, comme Saint-Lambert, des hauts fonctionnaires, comme Turgot et Perronet (fondateur et directeur de l’École des Ponts et Chaussées), des artistes, comme le graveur Cochin. Damilaville, employé au bureau des impôts, homme de confiance de Voltaire, prend en charge trois articles très importants sur la finance et la démographie. Ce sont avant tout des professionnels, médecins, juristes, chimistes, théologiens, etc.

Jean-François Marmontel
Jean-François Marmontel |

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Jacques Turgot
Jacques Turgot |

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Les illustrateurs

Gravure, manière de faire mordre à l’eau forte
Gravure, manière de faire mordre à l’eau forte |

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Pour les volumes de planches, Diderot recrute aussi un grand nombre de dessinateurs et graveurs qui travaillent en lien avec les auteurs des articles et les fournisseurs des légendes. Le plus important est Louis-Jacques Goussier, qui supervise l'ensemble du travail et révise lui-même les planches. Engagé dès le début dans l’entreprise, il dessine plus de neuf cents planches sur les 2 885 que compte l’Encyclopédie, accompagnées de leurs légendes. Il rédige, de surcroît, soixante-dix articles et est cité dans le Discours préliminaire de d’Alembert publié dans le premier volume. Diderot l’a dépeint sous les traits de « Gousse » dans Jacques le Fataliste.

Dessinateurs et graveurs sont souvent différenciés. Les graveurs sont des professionnels, qui travaillent parfois sur de gros volumes, dans des ateliers conséquents : c'est le cas par exemple de Robert Bénard, de Defehrt, d'A. Le Canu ou de Bonaventure-Louis Prévost. Certaines compétences spécialisées peuvent être spécifiquement recherchées toutefois, notamment pour les lettres et alphabets : une planche des « caractères et alphabets des langues mortes ou vivantes » est ainsi gravée par un certain Coquelle, probablement un graveur de lettres. Les ornements sont l'œuvre d'un graveur sur bois, Jean-Baptiste Papillon.

Les personnes donnant des dessins pour des planches sont souvent quant à elles spécialistes d'un sujet. Par exemple Jacques Nicolas Bellin, ingénieur hydrographe, fournit des dessins pour illustrer son article sur la marine, d'Alembert s'occupe des planches liées aux mathématiques, l'architecte J. R. Lucotte dessine plus de six cents planches pour l'architecture et Jean Romilly, horloger à Genève dessine les planches d'horlogerie. De nombreuses planches sont fondées sur des illustrations antérieures parues dans les ouvrages des rédacteurs : plusieurs planches sur la musique reprennent ainsi l'Art de la flûte traversière de Charles Delusse et toutes les planches de la section « Théâtre » sont tiées du Parralèle de plans des plus belles salles de spectacle d'Italie et de France de Gabriel-Martin Dumont.

En tout, plus de cinquante personnes ont travaillé aux onze volumes de planches de l'Encyclopédie, venant compléter la liste déjà conséquente des auteurs.