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Les missions sahariennes

Bab el-Jasmund
Bab el-Jasmund

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

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Au 19e siècle, le Sahara représente un monde hostile pour les Occidentaux, qui répugnent à s’y aventurer : comment ne pas voir dans le « désert des déserts » la terre de tous les dangers ? La perspective de parcourir des centaines de kilomètres dans une immensité aride et inconnue, en proie à la soif et à la faim, n’est guère engageante. Perçues comme « primitives », « belliqueuses » et « farouches », les populations qui l’habitent suivent une organisation sociale très différente de celles des nations européennes, fondée sur le nomadisme, la mobilité et le contrôle des itinéraires. Chaque ethnie, chaque groupe décide à sa manière. Une organisation qui n’est pas pour faciliter la découverte, l’appropriation et la colonisation de ces espaces.

Gerhard Rohlfs et le Sahara

Une vocation d’aventurier

Alexander Gerhard Rohlfs
Alexander Gerhard Rohlfs |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Voyageur infatigable, Gerhard Rohlfs passe trente ans en Afrique à tenter de percer les secrets du désert. S’engageant en 1856 dans la Légion étrangère française, il gagne l’Algérie. Pendant cinq ans, il en profite pour apprendre l’arabe et s’initier à la culture musulmane. Il n’a bientôt qu’une hâte : explorer le Sahara occidental, particulièrement hostile aux étrangers. Sous un déguisement, il décide alors de se faire passer pour un musulman. Le stratagème réussit ; il sympathise avec certains chefs religieux, qui lui ouvrent les portes de laune région. Après quelques voyages avortés, il parvient, entre 1865 et 1866, à traverser par voie de terre l’Afrique occidentale, depuis Tripoli jusqu’au Golfe de Guinée.

L’expédition de 1873-1874

De 1873 à 1874, le khédive, vice-roi d’Égypte, lui confie une expédition dans le désert libyque afin de reconnaître les oasis. Pendant plusieurs mois, il parcourt cette région inhospitalière. Chaque jour, durant huit, neuf heures, sans faire la moindre halte, sa caravane évolue dans la solitude des grands plateaux rocheux et calcaires, au milieu des dépressions sablonneuses. Rohlfs en profite pour rédiger des rapports topographiques et géologiques sur ces lieux méconnus par l’Occident.

Oasis à Farafrah
Oasis à Farafrah |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Acacia près de Aïn Chérif
Acacia près de Aïn Chérif |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Pendant ce temps, le photographe officiel de la mission, Philipp Remelé, se consacre à sa tâche, compliquée par le voyage. Son appareil, lourd et encombrant, doit être placé sur un trépied et la pose dure parfois d’interminables minutes. Le temps manque souvent au photographe, qui se plaint aussi des mauvaises conditions matérielles : quand il ne craint pas pour ses plaques de verre, Remelé peine à développer ses clichés sous une tente exposée à la poussière et aux vents ; quant à l’obscurité, elle est souvent bien difficile à obtenir. Heureusement, des oasis verdoyantes viennent parfois ponctuer ce paysage austère. À l’ombre des palmeraies, les voyageurs harassés trouvent un répit bienfaisant. Dans celle de Dakhla, à l’ouest du Nil, Rohlfs choisit comme hébergement une grande maison du vieux ksar (forteresse) et entreprend de fouiller le temple romain de Deir-el-Hagar.

L’expédition rapporte un nombre limité de photographies, d’autant plus rares qu’elles sont inédites à l’époque. Finalement, seul le khédive est déçu : il espérait que cette mission serait rentable pour son pays. Or aucune découverte minière ne vint compenser les investissements.

Descente vers l'oasis de Dakhla
Descente vers l'oasis de Dakhla |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Intérieur de la maison de l'expédition de Gerhard Rohlfs à Qasr Dachel
Intérieur de la maison de l'expédition de Gerhard Rohlfs à Qasr Dachel |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Le drame de la mission Flatters

En 1880, l’État français  charge le colonel Paul Flatters de reconnaître le tracé d’un possible chemin de fer transsaharien. La plupart des membres de la mission – Européens comme locaux – sont massacrés par des Touaregs dans le Hoggar.

Véritable drame national, cette tragédie donne un coup d’arrêt au projet de chemin de fer.  Il faudra toute l’obstination de quelques officiers pour repartir activement à la conquête de cet espace désertique, obstacle entre les colonies d’Afrique du Nord et l’Afrique centrale.

 L’oasis d’El Goléa

Le Ksar d’El-Goléa.
Le Ksar d’El-Goléa. |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Entre 1888 et 1890, le commandant Victor Benjamin Deporter s’intéresse plus particulièrement à l’oasis d’El Goléa (actuelle El Ménia), située au croisement des routes commerciales. Il estime en effet que « cette perle du désert » peut constituer une base stratégique pour l’aménagement du Sahara algérien. Il suggère donc d’y implanter un comptoir commercial et un poste militaire important. Dans cette perspective, il rédige un rapport détaillé sur la ville d’El Goléa et ses moyens de communication, qu’il illustre par de nombreuses photographies. La technique du cyanotype facilite la tâche du photographe : d’utilisation relativement simple, elle permet d’effectuer des clichés peu onéreux et extrêmement résistants à la lumière.

Mais le caractère technique de l’entreprise n’empêche pas Deporter d’être sensible à la beauté des lieux. Il s’attarde volontiers sur le ksar, cette forteresse érigée sur un éperon rocheux. Mais, plus encore, le commandant est fasciné par les propriétaires des lieux : la tribu des Chaânba Mouadhi. S’ils viennent y passer l’été, ils reprennent leur vie de nomades pendant les autres saisons. Cavaliers émérites, aventuriers et parfois pillards, leur atout réside principalement dans leurs dromadaires dressés pour les courses rapides.

Le khalifa de la tribu des Chaanba Mouadhi
Le khalifa de la tribu des Chaanba Mouadhi |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Cavalier du Makhzen d’El-Goléa
Cavalier du Makhzen d’El-Goléa |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Les voyages de reconnaissance de Fernand Foureau

Fernand Foureau contribue lui aussi à lever la malédiction qui pèse sur le Sahara depuis le massacre de la mission Flatters. Entre 1884 et 1896, il entreprend neuf voyages d’étude à la découverte du Sahara, depuis l’Algérie jusqu’au Tchad. Ces opérations de reconnaissance nécessitent un matériel important, utile aux relevés topographiques et géologiques. Des appareils photographiques complètent l’équipement du scientifique colonisateur. Habitué à la canicule saharienne, Foureau préconise l’utilisation d’appareils métalliques.

Il mène ainsi de main de maître ses expéditions, imposant à ses hommes une sévère discipline et tirant parti de sa connaissance précise du désert. Il fore des puits et développe des palmeraies, et entre en contact avec les Touaregs, dont il partage souvent la vie.

Campement de l’explorateur à Mâder-Souf
Campement de l’explorateur à Mâder-Souf |

Bibliothèque nationale de France

Grâce au soutien financier de la Société de géographie, il dirige avec le commandant François Lamy de 1898 à 1900 la grande mission transsaharienne qui porte leurs deux noms et les mène sur les bords du lac Tchad, concrétisant de fait la jonction définitive des différents territoires du domaine colonial français.

La hamada noire du Tademayt
La hamada noire du Tademayt |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie

Bir Ghardaya
Bir Ghardaya |

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie