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L’arbre, métaphore familiale

L’arbre de parenté
L’arbre de parenté

Bibliothèque nationale de France

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L’arbre est une métaphore de la parenté. D’abord appliqué à la généalogie du Christ, puis à celle des rois, il devient, au 16e siècle, nos bien connus arbres généalogiques.

L’arbre de parenté

Le motif de l’arbre de la famille plonge ses racines dans une riche thématique biblique et iconographique. Depuis l’Antiquité, la métaphore végétale est courante pour symboliser la fécondité familiale. Comme l’explique l’historienne Christiane Klapisch-Zuber dans un article intitulé « La genèse de l’arbre généalogique » :

« Depuis l’Antiquité, médecins, naturalistes et philosophes se sont plu à chercher les correspondances entre l’homme et l’arbre, à mettre en parallèle la sève, les branches, la verticalité et la recherche de la lumière du second ave le flux du sang, le développement des membres, l’aspiration à la perfection proprement humains. Qui plus est, par une autre métaphore végétale, que j’entends ici discuter, l’arbre a servi pendant des siècles à représenter le grand corps qu’est un lignage, une descendance. Comme l’arbre, une famille naît, elle s’épanouit, se ramifie, se dessèche. La métaphore a longtemps hanté les représentations de la parenté avant de se fixer en une image, l’arbre généalogique. »

Ainsi, toute parenté s’exprime-t-elle à la manière des branches d’un arbre dont chaque fruit est une personne de la famille. C’est là une image courante dans la littérature médiévale, notamment médicale.

L’arbre généalogique

La représentation de la famille sous la forme d’un arbre généalogique est un motif relativement tardif, qui ne s’épanouit véritablement qu’à partir du 16e siècle. La métaphore végétale s’est d’abord appliquée au Christ et à sa famille. À l’époque romane, et encore au 13e siècle, le Christ est crucifié sur un arbre verdoyant ou fleuri. Au 15e siècle, il est crucifié sur une vigne ou pressé au pressoir telle une grappe de raisin. La Vierge est symbolisée par une fleur de lys — symbole aussi de la royauté dont le sceptre est quelquefois fleuri.

Au début du 12e siècle, la parenté du Christ prend la forme de l’arbre de Jessé : depuis le corps de Jessé, personnage biblique, endormi, surgit le tronc de la famille de Marie, qui fait de la Vierge une descendante de David. Au sommet de l’arbre de Jessé, telle une fleur incomparable, s’épanouit le buste de la Vierge tenant son Enfant dans les bras. Du sang royal coule donc dans les veines de Jésus... Le modèle de l’arbre de la parenté du Christ, l’arbre de Jessé, a d’abord été appliqué aux familles royales. L’arbre de Jessé est un des ancêtres de l’arbre généalogique : ce dernier lui doit son arborescence. Le modèle de l’arbre de Jessé a d’abord été appliqué aux familles royales. Dès le 13e siècle, les rois sont figurés en médaillons accrochés à un arbre, l’ancêtre juché au sommet, ses descendants de plus en plus bas sur le tronc.

Les représentations de la parenté

Inspirés par le motif de l’arbre de parenté du Christ, les familles royales, dès le 14e siècle, puis aristocratiques dès le 15e siècle, s’attachent à faire dresser le leur. Mais la représentation de la famille « ordinaire » sous la forme d’un arbre généalogique est un motif relativement tardif, qui ne s’épanouit véritablement qu’à partir du 16e siècle. Le succès de l’arbre généalogique s’affirme à cette date ; sa diffusion débute dès la fin du 15e siècle par le biais des spectacles urbains donnés lors des entrées royales. Ainsi, pour l’entrée royale de Charles VIII, alors âgé de 14 ans, on avait dressé à Paris un échafaudage en forme d’arbre sur les branches duquel étaient assis des enfants jouant le rôle des membres de la lignée de saint Louis au nouveau roi. Mais il faut encore attendre pour voir réellement popularisé ce type de représentation familiale

En effet, d’autres types de motifs avaient eu la faveur des hommes du Moyen Âge et des représentations de la généalogie existaient bien avant, mais elles étaient fondées sur d’autres métaphores : celle du corps humain et de ses membres (on parle encore des « membres » d’une même famille), celle d’une maison (on parlait de la « maison » d’un prince pour décrire sa famille), et enfin celle d’une chaîne dont chaque anneau, souvent prétexte à un portrait en médaillon, figurait un membre de la famille. L’image n’a pas disparu : le motif préfigure celui de la chaîne ADN...

L’arbre de consanguinité

L’arbre généalogique a également pour antécédent le motif clérical de l’arbre de consanguinité, qui veut représenter concrètement les différents membres de la famille afin de mieux expliquer aux familles les interdictions de mariages entre membres trop rapprochés : la crainte de l’inceste est au cœur des préoccupations des clercs médiévaux. Au haut Moyen Âge, l’interdiction de mariage valait jusqu’à la septième génération ; à partir de 1215, il ne vaut plus que jusqu’à la quatrième. Cette représentation de la famille virtuelle idéale, où ce sont les degrés de parenté (père-mère-frères-soeurs-cousins-neveux etc.) qui apparaissent, et non des personnes réelles figurant sous leur nom, est également pour beaucoup dans la naissance et l’affirmation du motif de l’arbre généalogique.

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