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Autoportrait de Félix Vallotton

1897
Autoportrait de Félix Vallotton
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« Je ne dois pas oublier un jeune artiste suisse, Félix Vallotton, qui était venu se joindre au groupe des Nabis. Il gravait, au canif, des bois que l’on pouvait voir reproduits La Revue Blanche en même temps que des dessins de ses camarades.
Vallotton devait, par la suite, sans renoncer complètement à la gravure, aborder la peinture. La probité de son dessin l’avait fait surnommer “le petit Ingres”. Et cette honnêteté qui était la marque de son art, il la communiquait ses modèles. Un jour, faisant le portrait d’une de ses compatriotes, il proclamait qu’un peintre ne doit jamais farder la vérité. Et comme il disait à la dame : “Riez...que je voie vos dents. – Ce ne sont pas mes dents”, répondit-elle. Et, toute rougissante, elle enleva son râtelier.

J’avais acquis une des premières productions du peintre, son Bain suisse qu’on me demanda pour une exposition de nus. L’exposition close, différentes circonstances m’avaient empêché d’aller réclamer mon tableau et ce fut seulement trois mois plus tard que je retournai à la galerie. Là, on m’apprit que ce n’était plus le même propriétaire. “Mais, m’assura-t-on, tous les tableaux ont certainement été rendus.” Je regardais le Vallotton comme perdu, quand quelqu’un me dit un jour :
– Eh bien ! vous avez trouvé un amateur pour votre Bain suisse ?
– Comment ça ?
– En passant dans la rue de la Roquette, j’ai aperçu, par une fenêtre ouverte, une toile qui ressemble joliment à votre Vallotton.
Je réussis à retrouver la maison. C’était celle d’un déménageur. Et c’était bien mon Vallotton qui était chez lui. Il m’expliqua qu’après l’exposition, la galerie devant être mise à neuf, on lui avait dit qu’il pouvait emporter tout le fouillis, quelques chaises cassées, de la vaisselle dépareillée et, enfin, cette grande toile qui faisait rigoler tout le monde.
– Ma femme, m’expliqua-t-il, avait d’abord voulu s’en servir pour remplacer la toile cirée de notre table de salle à manger ; mais ce n’était pas assez souple. Pas moyen non plus de s’en débarrasser même pour cent sous ; dans le quartier, personne n’en voulait. Alors comme, dans une chambre qui est un peu humide, le papier s’était décollé, on a pendu la toile au mur en attendant que mon garçon ait le temps d’y passer une couche de peinture dans le ton de la pièce.
Je donnai dix francs au déménageur et je repris mon tableau. »

Ambroise Vollard, Souvenirs d’un marchand de tableaux, Paris, A. Vollard éditions, 1937, p. 237.

© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

  • Date
    1897
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Félix Vallotton (1865-1925), peintre
  • Description technique
    Huile sur carton, 58,9 x 47,9 cm
  • Provenance

    Paris, musée d'Orsay, RF2007-6

  • Lien permanent
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