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Le chevreuil

Gaston Phébus, Livre de chasse
Le chevreuil
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Du chevreuil et de toute sa nature

« Le chevreuil est assez commune bête, aussi ne convient-il pas que je le décrive, car il y a peu de gens qui n’en aient vu. C’est une très bonne petite bête et agréable à chasser pour ceux qui savent le faire, comme je le dirai plus avant. Et il y a peu de veneurs qui sachent vraiment sa nature.
Ils vont à leurs amours en octobre, et leur rut dure environ quinzejours, mais il ne se fait qu’avec une femelle, car toute la saison le mâle et la femelle demeurent ensemble, comme font les oiseaux, jusqu’au moment où la femelle doit faonner. Et alors la femelle se sépare du mâle et va faonner loin de lui, car le mâle tuerait le faon, s’il le trouvait. Et quand celui-ci est grand, qu’il peut manger de l’herbe et des feuilles et fuir, alors la femelle revient avec le mâle et ils seront toujours ensemble, à moins qu’on ne les tue [...].

Dès qu’ils sont retraits du rut, ils jettent leurs têtes, car vous trouverez peu de chevreuils, s’ils ont passé deux ans, qui ne soient mués à laToussaint ; puis ils refont leurs têtes velues comme le cerf et frayent en mars communément.

Il n’y a point de saison pour la chasse au chevreuil, car il ne porte point de venaison, mais on doit renoncer à chasser les femelles, afin de ne pas perdre les faons dont elles sont prises, jusqu’à ce qu’elles aient faonné et que leurs faons puissent vivre sans elles. C’est bonne chasse, car elle dure toute l’année et ils font bonne fuite et plus longue que ne fera un grand cerf en pleine saison. [...] Quand les chiens les chassent, ils tournent dans leur pays et bien souvent esquivent les chiens. [...] Le chevreuil fuit par les villages, au milieu des maisons, car il ne sait où il va, quand il fuit par désespoir.

La chair du chevreuil est la plus saine qu’on puisse manger de bêtessauvages. Ils vivent d’herbes et de gagnages, de vignes et de ronces, de glands, de faînes et de tous autres produits des bois. [...] Quand ils fuient à leur aise, ils vont toujours sautant, mais quand ils sont las ou que les lévriers les chassent, ils courent parfois, trottent ou vont au pas, et parfois se hâtent et ne sautent pas. [...] Ils demeurent dans les épais buissons ou dans les fortes bruyères, dans les genêts ou les ajoncs et volontiers en haut pays où il y a des vallées et des collines, et parfois en pays plat. Leurs faons naissent échiquetés, comme ceux descerfs ; et ainsi que les cerfs mettent leurs bosses la première année, ils portent déjà leurs fuseaux et leurs broches avant d’avoir un an. Le chevreuil ne s’écorche et ne se dépèce pas comme un cerf, car il n’a point de venaison qu’on doive saler. Et parfois aussi on la donne aux chiens, ou tout, ou partie. [...] »

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    15e siècle
  • Lieu
    France, Paris
  • Auteur(es)
    Gaston Phébus, auteur
  • Description technique
    Peinture et or sur parchemin
  • Provenance

    BnF, département des Manuscrits, Français 616, fol. 23r

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm207200660m