Découvrir, comprendre, créer, partager

Image

« Clivage du diamant »

Figure extraite de Diamants et pierres précieuses
« Clivage du diamant »
Le format de l'image est incompatible

Dans En Hollande, roman écrit en 1858, l’écrivain et photographe Maxime Du Camp retrace le récit du voyage qu’il a effectué durant quinze jours pendant l’hiver 1857. Le texte est composé de lettres rédigées par Du Camp à un anonyme. Il y décrit ses visites de La Haye, Rotterdam, Leyde, Utrecht et relate la découverte des savoir-faire relatifs à la taille du diamant lors d’une excursion à Amsterdam. Entre les lignes, il relaie le travail d’un ouvrier qui aurait taillé le « Koynor ». Si l’orthographe n’est pas respectée, l’écrivain semble ici évoquer le célèbre diamant « Koh-i-noor » (Montagne de Lumière). Cette pierre de 186 carats trouvée en Inde est offerte en 1850 à la Reine Victoria et présentée lors de l’Exposition universelle de Londres en 1851. Sous la supervision du prince consort Albert, la gemme est retaillée en 1852 et l’opération est confiée à Voorsanger, diamantaire de la taillerie hollandaise de M. Coster à Amsterdam. La retaille est exécutée à Londres sous les yeux de M. Garrard, joaillier de la reine. 

« Au milieu de ces tanières s'élève un haut bâtiment de bonne mine, à larges fenêtres, où j'entends ronfler le bruit d'une machine à vapeur. C'est l'établissement où se taillent les diamants ; vous savez que c'est ici que sont taillées toutes les belles pierres de l'Europe ; j'entrai ; les ouvriers sont israélites pour la plupart, mais c'est entretenu par des Hollandais, donc c'est propre ! On m'a montré complaisamment et en grand détail la manière de procéder, c'est fort simple. Le diamant natif, tel qu'il sort des mines, ressemble assez exactement à un morceau terni de gomme arabique ; quelquefois on le livre dans cet état à la taille, mais le plus souvent on le coupe. Ainsi que vous le savez, le diamant seul entame le diamant.  J'ai assisté à trois opérations ; toutes trois exigent une longue habitude et une adresse extrême :  

Première opération. COUPE.— Sur un court mandrin de bois, on fixe, dans un ciment malléable à la chaleur et très-facilement durci par le refroidissement, la pierre brute ; on étudie et on reconnaît sa veine ; puis, à l'aide d'un fragment de diamant tranchant, également assujetti dans la pâte, on appuie avec force sur l'endroit précisément choisi de la pierre qu'on veut couper, en donnant un mouvement de va-et-vient ; quand la fente est obtenue, on y introduit la lame d'un couteau très-trempé, on frappe un coup sec dessus et la pierre se sépare en deux fragments.  

Seconde opération. PREMIÈRE TAILLE. — Un diamant, fixé comme ci-dessus est frotté fortement contre un autre diamant également immobilisé de la même manière ; c'est une sorte de polissage qui a besoin, pour être bien exécuté, d'une force considérable. Les mains des ouvriers sont entourées de gants qui ressemblent à de véritables armures. Le travail se fait, dans les deux cas, au-dessus d'une petite boite profonde, afin qu'aucune molécule, si impalpable qu'elle soit, de la poudre de diamant ne soit perdue. Cette première taille se fait en rose ou en brillant, selon le choix des pierres, ou suivant l'indication du contre-maître.  

Troisième opération. LA TAILLE DÉFINITIVE. — Le diamant coupé et poli est serti dans un œuf de plomb, de façon à ne laisser paraître que la portion qu'on veut tailler ; à l'œuf est fixée une tige qu'on saisit dans une pince très-forte manœuvrée comme un étau. On applique la facette du diamant sur une meule de fer plate, qu'une machine à vapeur met en mouvement, qui fait deux mille tours à la minute et qui est enduite de poudre de diamant mêlée avec de l'huile. La pince qui maintient le diamant demeure absolument immobile entre deux pieux de fer, dont l'un s'appuie à sa gauche et l'autre à sa droite, aux extrémités. On charge cette pince avec des poids en plomb, afin d'appuyer plus fortement la pierre contre la meule, et, ainsi, d'accélérer la taille. L'ouvrier qui me donnait ces renseignements en travaillant devant moi est un vieux Juif, le plus habile qui soit dans son métier ; sa besogne lui est payée à la tâche, et il gagne facilement deux cent cinquante francs par semaine. C'est lui qui a taillé le fameux Koynor, ce dont il parle avec fierté, et ce qui lui a valu dix mille florins et en outre un beau cadeau de la reine d'Angleterre ; à l'Exposition universelle de Paris, il a obtenu une grande première médaille d'honneur.  

— Et, me disait-il, c'est une chose bien douce pour un ouvrier. » 

Maxime Du Camp, En Hollande, lettres à un ami, Paris Poulet-Malassis et de Broise, 1859, p. 121-124 

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1881
  • Auteur(es)
    Édouard Jannettaz, (1832-1899), Émile Vanderheym (1833-1889), Eugène Fontenay (1815?-1887?), Amédée Coutance (1824-1895)
  • Description technique
    Monographie imprimée
  • Provenance

    BnF, département Sciences et techniques, 8-S-1846

  • Lien permanent
    ark:/12148/mmkj359wmd00f