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L'écriture latine

Fibule avec inscription étrusque
Fibule avec inscription étrusque

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

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L'alphabet latin, commun à presque tous les pays occidentaux, est né en Italie autour du 6e siècle av. J.-C. À cette époque, le sens de l'écriture n'est pas encore fixé, et seules dix-neuf lettres sont utilisées

L'alphabet latin est une évolution de l'alphabet étrusque qui, lui-même, vient du grec.
On ne connaît pas l'origine des Étrusques. Hérodote les faisait venir d'Asie Mineure, mais cette hypothèse n'a pas été confirmée par l'archéologie. Apparus en Toscane autour du 8e siècle avant notre ère, ils sont entrés en contact avec le monde hellénistique et ont adopté l'alphabet grec pour noter une langue qui, aujourd'hui encore, reste mystérieuse. En effet, en dépit des inscriptions bilingues étrusco-latines, de la connaissance des mots étrusques passés dans le latin et de certains éléments de la grammaire, les épigraphistes ne sont toujours pas capables de comprendre et de traduire, alors qu'ils peuvent la lire, l'écriture étrusque, car ils n'arrivent pas à trouver quelle langue elle transcrit. Les études menées jusqu'ici laissent penser qu'il ne s'agit pas d'une langue indo-européenne.

Les Étrusques ont étendu leur brillante civilisation sur une grande partie de l'Italie, jusqu'au 4e siècle avant notre ère. Leur alphabet est à l'origine des nombreuses écritures italiques qui sont nées dans la péninsule au cours du Ier millénaire. Lorsque les habitants du Latium se sont emparés de Rome, ils ont conservé l'alphabet étrusque et l'ont adapté à leur langue. Le latin et son alphabet se sont alors répandus au rythme des conquêtes romaines, éliminant peu à peu les langues et écritures locales.
Au 3e siècle av. J.-C., l'alphabet latin est composé de dix-neuf lettres, et vers le 1er siècle av. J.-C., les lettres X, Y, Z sont empruntées directement au grec.

Une des plus anciennes inscriptions retrouvées dans le sol de Rome est celle dite du lapis niger, ou « pierre noire », datée du milieu du 6e siècle : elle fixe des prescriptions rituelles en lien avec un autel découvert à proximité. Quasiment illisible, elle semble avoir pour fonction d'exprimer dans la dureté de la pierre l'intangibilité de la règle fixée par le roi.
Avec l'affichage en 450 de la Loi des Douze Tables présentées à la lecture de tous sur le Forum, la signification de l'écrit change : la lisibilité du texte de loi est devenue une consigne impérative, chaque citoyen devant pouvoir s'y référer pour vérifier que les magistrats respectent bien les lois.

La notation « romaine » des nombres
La notation « romaine » des nombres |

© Bibliothèque nationale de France

Diplôme militaire latin
Diplôme militaire latin |

© Bibliothèque nationale de France

Prestige de l'écriture

Pour autant, la publicité accordée par l'écriture au texte de la loi n'indique pas forcément qu'un processus de démocratisation soit à l'œuvre au sein de l'Empire romain. Les inscriptions romaines contemporaines de l'époque impériale sont essentiellement des textes dédiés à la glorification de l'empereur auquel elles confèrent après sa mort le statut d'un dieu. La république elle-même en son temps était restée, malgré les conquêtes de la plèbe, plus aristocratique que démocratique, et déjà sous la République une des principales fonctions de l'écriture était d'assurer la mémoire des grands hommes. Les épitaphes gravées sur les tombeaux invitaient le peuple romain à glorifier les exploits des plus nobles de ses membres.
Le taux d'alphabétisation dans le monde romain pendant le Haut Empire est évalué aujourd'hui à 30% de la population des hommes adultes. Garçons et filles apprennent à lire et à écrire auprès d'un magister ludi, nommé aussi litterator car la base de sa pédagogie consiste à faire réciter par cœur la suite des noms de lettres. Auprès du grammaticus, ils s'initient ensuite à la littérature (pour ceux qui peuvent fréquenter l'école secondaire), puis à la rhétorique (pour ceux qui accèdent à l'enseignement supérieur).

Si nombre de représentations funéraires présentent une image du défunt accompagné de tablettes à écrire ou de rouleaux de parchemin, c'est sans doute le signe que l'écriture reste une source de prestige privilégiée. Elles revêtent souvent une signification religieuse inspirée par l'idée que la vie intellectuelle pouvait assurer au défunt une participation au divin et le faire accéder à une véritable immortalité.

Diversité des supports

Mais l'écriture est aussi présente sur d'autres supports d'une grande diversité : bornes d'octroi, autorisations de construire, plan de la cité inscrit dans le marbre, affiches, enseignes ou pancartes, graffitis. Nombre de lettres et de contrats sont écrits sur des tablettes de cire ; murs, tablettes ou ostraca servent à noter les comptes, tant il est difficile, avant l'apparition du parchemin, de se procurer un support adapté en quantité suffisante.

C'est entre le 1eret le 4e siècle que le parchemin commence à se répandre et, avec lui une nouvelle forme de livre: le codex. Sa mise en page est révélatrice des relations de subordination de l'écrit à l'oral qui prévalent dans le monde romain. La ponctuation latine en effet, comme la ponctuation grecque antique, repose moins sur une analyse logique que sur une base rhétorique. Son but est de permettre à l'orateur de repérer les articulations du discours (fins de phrases ou débuts de paragraphes), de prononcer et d'accentuer correctement les mots. Ainsi, à partir du 3e siècle apr. J.-C. la scriptura continua s'impose et les copistes notent simplement les divisions du discours par un changement de ligne, le début d'un paragraphe étant amorcé par une première lettre inscrite dans la marge de gauche, les pauses exigées par les règles de l'art oratoire étant marquées par un espace blanc à l'intérieur de la ligne.
Le système de ponctuation établi par Donat au 4e siècle reflète davantage les impératifs de la respiration que les nécessités de découpage imposées par le sens du texte.

L'écriture est alors totalement dépendante de la parole. Ce n'est qu'au 9e siècle, au moment de la renaissance carolingienne, quand le latin cesse d'être perçu comme une langue parlée couramment, que les copistes se soucient progressivement d'introduire des éléments de ponctuation significatifs; au moment même où l'essor de la minuscule contribue avec ses hastes d'inégale longueur à donner à chaque mot une silhouette spécifique, détachant ainsi progressivement la sphère de l'écrit de son antique confusion avec celle de l'oralité...

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