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Révolutions et utopies sociales (19e siècle)

Projet d’assemblée locale
Projet d’assemblée locale

Bibliothèque nationale de France

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À partir des grandes révolutions de la fin du 18e siècle en Amérique et en France, l'utopie se colore d'un aspect social nouveau. Dans un contexte de lutte des classes, le bon gouvernement et l'abolition de la propriété ne suffisent plus, seuls, à assurer le fonctionnement d'un monde idéal.

Du temps des révolutions à l'aube du 20e siècle

L’utopie met au jour une relation particulière entre littérature et politique, plus précisément entre fiction et action : elle est d’une part projection imaginaire dans l’espace fictif institué par le texte du récit, d’autre part projet de réalisation qui tend à passer dans l’expérience historique, projet qui, en même temps, doit se nourrir de fiction. Pour cette raison, à partir des ébranlements révolutionnaires de la fin du 18e siècle, l’utopie doit être analysée à la fois dans le champ littéraire et dans le champ politique et social.

Ainsi, dans la première moitié du 19e siècle, tout se passe comme si l’utopie se retirait du terrain de la littérature pour s’investir massivement du côté du réel ou de ce qui aspire à l’être. Expériences locales et perspective globale deviennent, pour deux siècles, les deux visages de l’utopie en acte, selon qu’il s’agit d’inventer de nouveaux rapports sociaux en fondant des communautés à la marge du monde majoritaire, ou d’inscrire toutes les luttes actuelles dans l’horizon de l’émancipation humaine, dans la grande promesse du règne de la liberté.

Jean-Jacques Lequeu
Jean-Jacques Lequeu |

Blbliothèque nationale de France

Robespierre et le rassemblement des hommes

Maximilien Robespierre, Rapport sur les idées religieuses et morales
Rassemblez les hommes, vous les rendez meilleurs ; car les hommes rassemblés chercheront à se plaire,...
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Le temps des révolutions démocratiques

« Nous tenons pour naturellement évidentes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » C’est dans ces termes que s’ouvre la Déclaration d’indépendance des États-Unis, rédigée de la main de Thomas Jefferson, et adoptée par le second Congrès continental le 4 juillet 1776.

L’époque des révolutions est naturellement celle où l’utopie cesse d’être seulement une fiction littéraire pour devenir, portée par l’ébranlement de la société, un principe de refondation de la réalité politique et sociale.

Tel est, par exemple, le rôle joué dans la France révolutionnaire par l’idée de souveraineté nationale : il s’agit de donner corps à ce sujet collectif, formé par l’ensemble des citoyens, dont toute loi tire sa légitimité. Son unité, sans doute impossible à réaliser dans la vie politique, se manifeste aux yeux des acteurs de l’époque dans ces grands moments de fusion que sont les fêtes révolutionnaires. 
Autre forme d’utopie, la tentative de promouvoir un nouveau calendrier, un nouveau décompte du temps : la Révolution s’affirme comme commencement de l’Histoire, naissance d’une humanité régénérée.

Nous avons trois questions à nous faire.
1° Qu’est-ce que le tiers état, - TOUT
2° Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? - RIEN
3° Que demande-t-il ? - À ÊTRE QUELQUE CHOSE   
 

Sieyès, Qu’est-ce que le tiers état ?, 1789.

La Révolution regénère la France

Gilbert Romme, Rapport sur l’ère de la République.
La Révolution a retrempé les âmes des Français ; elle les forme chaque jour aux vertus républicaines....
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Les utopies sociales de l’âge romantique

Famille de mormons
Famille de mormons |

© Andrew Joseph Russell
 

Loin de constituer l’adolescence d’une pensée qui verrait sa pleine maturité dans le socialisme ultérieur, les utopies sociales de l’âge romantique ont plusieurs caractéristiques communes qu’elles puisent dans leur enracinement historique : nées au début de l’ère industrielle, après les bouleversements du temps des révolutions, elles représentent autant de tentatives de reconstruire l’univers moral et social sur les seules bases de la science positive, d’où elles déduisent l’idée d’une évolution naturelle menant au bonheur pour tous.

Saint-Simon (1760-1825) et ses successeurs prônent l’instauration d’un nouveau pouvoir spirituel confié aux savants. Owen (1771-1858) fonde lui aussi ses espoirs sur le développement industriel. Fourier (1772-1837) entend se servir des passions humaines, non pas contradictoires, mais complémentaires, pour faire naître l’harmonie. Cabet (1788-1856) et ses disciples partent pour l’Amérique construire l’Icarie égalitaire.

Le saint-simonisme par l’exemple
Le saint-simonisme par l’exemple |

Bibliothèque nationale de France

De l’un et l’autre côté de l’Atlantique, avec des moyens souvent précaires qui font d’eux des aventuriers, les utopistes renoncent peu à peu à leur rêve d’une société mondiale organisée rationnellement, pour se limiter à l’établissement de communautés restreintes comme celle de Guise en France et d’Oneida en Amérique.

L’Âge d’or du genre humain n’est point derrière nous ; il est au-devant, il est dans la perfection de l’ordre social.   
 

Comte de Saint-Simon , De la réorganisation de la société européenne, 1814.

Le rêve ouvrier

En Europe, jusqu’aux révolutions de 1848, les aspirations utopiques sont essentiellement marquées par leur optimisme idéaliste, qu’illustrent les thèmes de la république universelle et de la fraternité des peuples. Après le milieu du siècle intervient une cassure : à l’unanimisme de la période romantique succède dans le mouvement social une vision de l’histoire dominée par les rapports de classe et l’âpreté de leurs affrontements.

L’âge d’or libertaire de demain
L’âge d’or libertaire de demain |

Bibliothèque nationale de France

En plus de son Journal officiel, les autorités de la Commune de Paris diffusèrent presque quotidiennement plusieurs affiches.
En plus de son Journal officiel, les autorités de la Commune de Paris diffusèrent presque quotidiennement plusieurs affiches. |

Bibliothèque nationale de France

Dans ce contexte, les doctrines socialistes mettent en avant l’émancipation du prolétariat, au besoin par la violence, comme condition de l’avènement du règne de la liberté.

Mais plusieurs formes d’utopies sont à l’œuvre : pour les uns, qui se réclament de Marx, l’avènement du communisme passe par la conquête du pouvoir d’État ; pour les anarchistes anti-autoritaires, de Proudhon à Bakounine, l’organisation étatique doit immédiatement céder la place à des collectifs d’individus librement associés.

Ces doctrines se mesurent à l’expérience de l’histoire, en particulier lors de la Commune de Paris, en 1871, où l’utopie tourne à la tragédie.

Temps futurs ! Visions sublimes !

Victor Hugo, Les Châtiments.
Temps futurs ! vision sublime !
Les peuples sont hors de l’abîme.
Le désert morne est traversé. Lire l'extrait

L'utopie communiste de Marx

Karl Marx, L’Idéologie allemande.
Dans la société communiste, […] personne n’est enfermé dans un cercle exclusif d’activités, et chacun...
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Les merveilles de la science

Le 20e siècle vu du 19e
Le 20e siècle vu du 19e
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Bibliothèque nationale de France

« Organiser scientifiquement l’humanité, tel est donc le dernier mot de la science moderne, telle est son audacieuse, mais légitime prétention. » C’est en ces termes qu’Ernest Renan, dans L’Avenir de la science, résume l’une des utopies majeures du 19e siècle, celle que promet la « religion du progrès ».

À la fin du siècle, la fée Électricité illumine les ténèbres, les moyens de communication rapprochent les hommes et suppriment les distances : les Expositions universelles créent pour un instant le monde idéal que façonnent les techniques toutes-puissantes, cependant que scientifiques et vulgarisateurs empruntent volontiers les moyens de la fiction pour exalter les merveilles de la science et créer une mythologie moderne.

Quelques observateurs isolés, comme Jules Verne ou le dessinateur Robida, pressentent pourtant, dès le tournant du siècle, que le monde créé par la technique n’est pas nécessairement un monde heureux.

Provenance

Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition « Utopie, la quête de la société idéale en occident » présentée à la Bibliothèque nationale de France du 4 avril au 9 juillet 2000.

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