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Atala

François-René de Chateaubriand
Atala au tombeau
Atala au tombeau

© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Angèle Dequier

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Atala, de son titre complet Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert, est un court roman de Chateaubriand publié en 1801. Illustrant la passion de deux Indiens, Chactas et Atala, l’œuvre s’inscrit dans la lignée des récits inspirés d’Amérique qui prennent leur essor au 18e siècle. Mais c’est aussi un roman autour de la religion, porté par la foi et les principes du christianisme dont il fait l’éloge. Particulièrement remarquable par la poésie des descriptions et la puissance du drame mis en scène, Atala vaut à Chateaubriand une certaine renommée littéraire qui marque le début de son succès en tant qu’auteur.
 

Il n’y a point d’aventure dans Atala. C’est une sorte de poème, moitié descriptif, moitié dramatique : tout consiste dans la peinture de deux amants qui marchent et causent dans la solitude, et dans le tableau des troubles de l’amour.

François-René de Chateaubriand, Atala, préface, 1801

La découverte des Amériques

Né à Saint-Malo, Chateaubriand a ressenti dès son plus jeune âge l’appel du large. Il prend pour prétexte le trouble de la France révolutionnaire et le projet d’écrire « une épopée de l’homme de la nature » pour s’embarquer à bord du Saint-Pierre en direction de l’Amérique.

Carte de la Nouvelle-France
Carte de la Nouvelle-France |

Bibliothèque nationale de France

Avril 1791, Chateaubriand a 23 ans, il découvre les « déserts » américains, les chutes du Niagara, les forêts primitives. À n’en pas douter, ce voyage est fondamental pour son cheminement politique – goût de la liberté – et littéraire – il revient avec des pages noircies de notes, genèse des Natchez, d’Atala et de René, ses premiers romans.

Pendant 30 ans, Chateaubriand complète et corrige son « manuscrit américain », dont le noyau central est un roman de la vie sauvage : Les Natchez. Il s’inspire d’un épisode historique : la révolte d’une tribu d’Indiens contre les colons français et sa répression sanglante. Il extrait de cette fresque deux récits : Atala (1801) et René (1802), qui remportent un grand succès auprès du public tout au long du 19e siècle. Chateaubriand dépeint l’Amérique non pas en explorateur scrupuleux mais en poète, nourri d’impressions de voyage et de lectures, en chantant moins la bonté primitive des « sauvages » que leur chute.

Atala et René

Atala, jeune indigène élevée dans la religion chrétienne, s’éprend d’un prisonnier de guerre promis au sacrifice, Chactas, et s’enfuit avec lui. Or elle a fait vœu de chasteté… Écartelée entre des sentiments contraires, elle se suicide. C’est cette histoire que Chactas raconte des années plus tard à René, jeune Européen enfui aux Amériques, double peut-être de Chateaubriand. Dans René, les rôles s’inversent : c’est René qui confesse son amour incestueux pour sa sœur au vieux Natchez, Chactas. Empreints de lyrisme, ces deux récits annoncent le courant romantique des années 1820-1830.

Chactas rencontre Atala
Chactas rencontre Atala |

Bibliothèque nationale de France

Les funérailles
Les funérailles |

Bibliothèque nationale de France

Atala et René sont repris par Chateaubriand pour illustrer la thèse principale du Génie du christianisme (1802) : « De toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres. » Un souffle exalté porte les descriptions de la nature, œuvre de Dieu. Mais le sens moral n’est pas si évident : récits d’amours incestueux, pardon du suicide (considéré comme un péché dans la religion chrétienne) d’Atala, et même, impuissance du sentiment religieux face au « vague à l’âme » de René.

Un roman qui fait date

« Je serai Chateaubriand ou rien ! » s’exclame Victor Hugo encore adolescent en 1816, témoignant ainsi de la popularité de Chateaubriand. Atala a été rééditée pas moins de cinq fois la première année de sa publication. L’histoire est adaptée au théâtre, en chanson et poème, reproduite en peinture et gravure pendant toute la première moitié du 19e siècle, tandis que René devient l’archétype du personnage romantique, touché par le « mal du siècle ». Les écrits de Chateaubriand le font également remarquer dans les cercles du pouvoir : Bonaparte le nomme ambassadeur à Rome (1803), après la signature du Concordat avec l’Église.

Je ne sais si le public goûtera cette histoire, qui sort de toutes les routes connues, et qui présente une nature et des mœurs tout à fait étrangères à l’Europe.

François-René de Chateaubriand, Atala, préface, 1801

Le roman se distingue également par son sujet : en effet, la Louisiane est peu représentée dans les arts français à cette époque. On peut citer l’opéra-ballet de Rameau, Les Indes Galantes (1735), et le roman de Prévost, Manon Lescaut, qui relate un épisode historique peu connu – la déportation de filles publiques en Louisiane pour œuvrer au peuplement. Atala fait figure d’exception. Au 19e siècle, les écrivains préfèrent voyager à travers l’Italie (Stendhal, Goethe) ou l’Orient (Nerval, Maxime du Camp, Flaubert). Il faudra attendre la fin du siècle pour voir l’émergence de récits d’aventures dans l’Ouest américain avec leur mythologie propre : la ruée vers l’or, les cowboys, les indiens couverts de plumes, les bisons, Buffalo Bill… 

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2017)

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