Découvrir, comprendre, créer, partager

Article

Charles Perrault, chroniqueur de son temps

Les Hommes illustres, 1696-1700 ; Mémoires de ma vie
Les hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle
Les hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle

Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
Avec Les Hommes illustres (1696-1700) et ses Mémoires de ma vie, Charles Perrault livre deux témoignages uniques sur le siècle de Louis XIV. Entre galerie de portraits brillants mais malicieux et autobiographie centrée sur son rôle à l’Académie et dans les grands chantiers royaux, ces écrits dévoilent autant l’homme de pouvoir que l’observateur ironique de son temps.

Les Hommes illustres

Les Hommes illustres rassemble de brèves biographies sur les cent personnages les plus importants de son temps. Le livre est composé de deux volumes, le premier paru en 1696 et le second en 1700. Contrairement à l’habitude, qui veut que ce genre d'ouvrage célèbre des hommes qui se sont distingués dans une activité du même type, littéraire ou militaire, ceux que Perrault a choisis se sont imposés dans des domaines différents : ecclésiastiques, hommes de guerre, hommes d’État, magistrats, écrivains, peintres, musiciens, sculpteurs etc... Il s’en est défendu en expliquant que tous ces hommes assuraient au siècle de Louis XIV son rayonnement. Collaborateur de Colbert, Perrault a bien connu certaines de ces personnalités marquantes : artistes qui ont travaillé à agrandir et embellir Versailles, maréchaux victorieux, intellectuels, etc.

Portrait du P. Marin Mersenne
Portrait du père Marin Mersenne, astronome et mathématicien |

Bibliothèque nationale de France

Isaac de Benserade
Portrait d'Isaac de Benserade, rival de Molière |

Bibliothèque nationale de France

L'auteur se fixe plusieurs règles. Quelque soit le mérite de la personnalité dont il est question, la notice qui lui est consacrée ne dépasse pas deux pages in-folio et est accompagnée systématiquement d'un portrait gravé. Pas d’étrangers non dans cette galerie de portraits, constituée exclusivement de hommes déjà défunts. Les textes incluent des précisions nécessaires pour situer la vie et l’œuvre de chacun, mais aussi de petites histoires, des détails piquants susceptibles de satisfaire ceux qui aiment les potins. Perrault déborde ainsi volontiers le cadre de la notice nécrologique et glisse une foule de renseignements à propos des vivants, transformant cette galerie de portraits en une sorte de Bottin mondain destiné à satisfaire le goût du lecteur pour l’indiscrétion. L’information est précise et parfois impitoyable.

Cependant, si l'ouvrage constitue un témoignage précieux et divertissant sur la vie du siècle qui s’achève, il ne faut pas y chercher une pondération et une objectivité dont Perrault semble tout à fait incapable. Tout est prétexte à allusions et comparaisons, parfois désinvoltes et malveillantes ou comme par hasard tournées à son avantage. L’académicien, en tant qu’auteur, a d'ailleurs placé son portrait en tête de cette galerie de défunts, ce qui n'est pas sans exciter la verve de railleurs.

Qu’on taxe, j’y consens, Perrault de vanité
De s’être mis au rang des hommes de mérité
Qu’on a produits en tout art ce siècle tant vanté,
Mais je ne puis souffrir qu’on blâme sa conduite
De se mettre avant le trépas où sûrement, après, on ne le mettrait pas.

Épigramme sur les Hommes illustres

Mémoires de ma vie

Manuscrit des Mémoires de ma vie, par Charles Perrault
Manuscrit des Mémoires de ma vie, par Charles Perrault |

Bibliothèque nationale de France

Dans un autre style, les Mémoires de ma vie sont eux aussi une mine de renseignements sur le 17e siècle : un témoignage de première main sur la politique de Louis XIV de la main d'un haut fonctionnaire qui a eu d’importantes responsabilités. Restés inédits jusqu'en 1759, ces mémoires, qui s’arrêtent brusquement au moment exact où éclate la fameuse Querelle des Anciens et des Modernes, voient leurs données biographiques réparties de manière déconcertante.

En effet, sur les cent dix-huit pages que faire le livre, Perrault en consacre six à son frère Nicolas, théologien, et autant à son frère Pierre, receveur général des finances. Dix sont dédiées à l’Académie française, trente-huit à l’achèvement du Louvre et à sa colonnade, vingt-deux à la construction de l’Observatoire, de l’Arc de triomphe du faubourg Saint-Antoine et à l’élaboration de divers projets pour Versailles. Seulement cinq évoquent son enfance et à ses années de formation. Cette autobiographie concerne donc essentiellement l’activité de Perrault dans le Bâtiment et à l’Académie française.

Il n’y est par ailleurs jamais question des contes. Alors que pour toutes les œuvres qu’il a écrites en collaboration, Perrault s’est toujours arrangé pour rappeler la part qu’il avait prise dans leur élaboration, jamais il n’a revendiqué explicitement la paternité des contes.

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2015)

Lien permanent

ark:/12148/mm0hs93kgn855