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Pierre Bonnard (1867-1947), à l’époque nabie

Le Nabi très japonard
Esquisse pour un portrait de Pierre Bonnard
Esquisse pour un portrait de Pierre Bonnard

© GrandPalaisRmn / Agence Bulloz

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Si Pierre Bonnard accède à la notoriété dès 1891, grâce à son affiche France-Champagne, il est maintenant considéré comme l’un des plus grands coloristes du 20e siècle. Dans un premier temps il se consacre aux arts décoratifs, avec ses amis Nabis, et ses estampes sont volontiers inspirées par l’agitation de la vie urbaine. Il évoluera ensuite vers une peinture plus intimiste avant que, saisi par la lumière du Midi, ses paysages et ses nus ne chantent plus que la gloire de la couleur. « Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon. » écrita-t-il.

Pierre Bonnard est né le 3 octobre 1897 à Fontenay aux Roses, dans la banlieue parisienne. Après de brillantes études secondaires, il s’inscrit à l’École des Arts décoratifs, mais n’y reste que peu de temps, déçu par l’enseignement centré sur la copie de l’antique. En 1886, il commence des études de droit et obtient une licence, mais n’abandonne pas sa vocation artistique : il intègre en effet l’École des Beaux-Arts où il étudie de 1887 à 1891 dans l’atelier de Léon Bonnat. En 1889, il échoue au concours du Prix de Rome. Parallèlement, il est inscrit à l’Académie Julian où il reçoit l’enseignement de Gustave Boulanger, Jules Lefebvre et Lucien Doucet de 1886 à fin 1889. Il y rencontre Paul Sérusier, Henri-Gabriel Ibels, Paul-Elie Ranson, Maurice Denis. Ce dernier lui présente Edouard Vuillard en 1890. Il est l’un des membres fondateurs du groupe des Nabis, partageant avec ses camarades une même admiration pour l’œuvre de Gauguin, et participe à l’élaboration de l’esthétique nabie caractérisée par des formes synthétiques et des tons juxtaposés en aplats.

Autoportrait de Pierre Bonnard
Autoportrait de Pierre Bonnard |

© Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt

Il reçoit de Félix Fénéon le surnom de « Nabi très japonard » en raison de son attirance pour l’art japonais qu’il découvre lors de l’exposition consacrée à la gravure japonaise organisée à l’École des Beaux-Arts en 1890. Avec Lugné-Poe, présenté par Maurice Denis en 1890 et Vuillard, Bonnard loue un atelier 28 rue Pigalle qui devient un lieu de rendez-vous pour les peintres et les intellectuels gravitant autour du groupe, comme les frères Natanson, initiateurs de La Revue blanche. En 1893, il rencontre Maria Boursin qui se fait appeler Marthe de Méligny : elle devient alors son modèle et sa compagne et il l’épousera en 1925. L’influence de l’art japonais et le parti pris décoratif dominent la production de Bonnard à cette époque, dont les panneaux de Femmes au jardin sont caractéristiques : l’artiste réduit l’espace à des surfaces planes et rejette la perspective traditionnelle.

Femme assoupie sur un lit, ou L’Indolente
Femme assoupie sur un lit, ou L’Indolente |

© Musée d'Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt

Le groupe des Nabis connait des dissensions à partir de 1895 : Sérusier et Verkade prennent une orientation mystique à laquelle ils tentent de convertir leurs amis, mais Bonnard, Roussel et Vuillard y résistent. L’Indolente (1899) est l’un des premiers chefs d’œuvre de Bonnard : il reste fidèle à une palette sourde chère aux Nabis, et adopte une perspective plongeante audacieuse. On retrouve les mêmes effets de clair-obscur dans L’Homme et la femme (1900).
Sa gamme chromatique s’élargit progressivement.

Scène de rue : jardin des Tuileries
Scène de rue : jardin des Tuileries |

© GrandPalaisRmn / Mathieu Rabeau

En 1891 et 1892, Bonnard participe aux deux premières expositions du groupe des Nabis au château de Saint-Germain en Laye. Il expose pour la première fois au Salon des Indépendants en mars-avril 1891 avec cinq tableaux et quatre panneaux décoratifs et présente dès lors des peintures décoratives et paravents dans chacune de ses expositions.

Durant la dernière décennie du 19e siècle, il mène de front une carrière de peintre, de lithographe et de décorateur, créant des affiches, des panneaux décoratifs, des paravents, des vitraux, des éventails, des illustrations. Dans une lettre écrite à Roger Marx en 1923, il évoque cette période de sa création :

J’avais personnellement l’idée d’une production populaire et d’application usuelle : gravures, meubles, éventails, paravents, etc.

Pierre Bonnard

La Petite blanchisseuse
La Petite blanchisseuse |

Bibliothèque nationale de France

Bonnard expose au Salon des Indépendants (1891-1893), à la Nationale des Beaux-Arts (1893 et 1895), aux expositions collectives des Nabis chez Le Barc de Bouteville (1891-1895) et à la Dépêche de Toulouse (1894). Il montre ses œuvres aux trois Salons de l’Art nouveau de la galerie de Siegfried Bing pour lequel il dessine un carton de vitrail qui sera exécuté par le maître verrier américain Tiffany. Il expose également à la Libre esthétique de Bruxelles (1896-1897). Durand-Ruel lui consacre une première exposition personnelle en janvier 1896.

Ambroise Vollard commence alors à s’intéresser aux Nabis. En avril 1897, Bonnard fait partie de L’exposition des Dix organisée par ce dernier avec Denis, Ibels, Lacombe, Ranson, Rassetti, Roussel, Sérusier, Vallotton, Vuillard. Vollard lui consacre des expositions personnelles en 1896 et en 1898. Bonnard présente dix de ses œuvres à l’exposition de groupe organisée par la galerie Durand Ruel en mars 1899, puis participe à une autre exposition à la galerie Bernheim Jeune en avril 1900.

Le Canotage
Le Canotage |

Bibliothèque nationale de France

Pierre Bonnard et la lithographie

Dès 1888, parallèlement à la peinture, Bonnard commence à pratiquer la lithographie et se passionne pour la lithographie en couleurs. Il s’intéresse également à la photographie qu’il pratiquera tout au long de sa vie. En 1889, il reçoit la commande d’une affiche pour France Champagne ; cette affiche diffusée en 1891 lui assure une grande notoriété.
Il crée ses premières illustrations en 1893 pour Le Petit Solfège illustré et pour Les Petites scènes familières de son beau-frère, le compositeur Claude Terrasse.

J’ai fait trois couvertures de musique et ce n’est pas un travail bête. Je crois que l’on peut se permettre bien des choses sans choquer trop les gens. On échappe absolument à l’idée du tableau.

Pierre Bonnard, 1891

Entre 1891 et 1896, il collabore au théâtre d’avant-garde en créant de nombreux projets, des programmes illustrées et des décors, notamment pour le Théâtre d’Art, le Théâtre Libre et le Théâtre de l’Œuvre, puis en 1897-1898, il participe à l’aventure du Théâtre des Pantins, un théâtre de marionnettes créé par Claude Terrasse et le chansonnier Franc-Nohain : il conçoit des marionnettes et des décors et illustre les partitions des chansons qui y sont interprétées.

Que dire enfin de M. Bonnard qui semble, le goût, le charme, la grâce et l’aisance mêmes et qui apparaît à la fois si délicat et si complet ?

Thadée Nantanson, dans La Revue blanche, 1893

Familier de Thadée Natanson et de sa femme Misia, Bonnard collabore à La Revue Blanche de 1893 à 1903 : il crée pour la revue une affiche et illustre des livres qu’elle édite. Il séjourne régulièrement dans la maison de campagne des Natanson à Villeneuve-sur-Yonne avec Vuillard, Roussel, Vallotton et Toulouse-Lautrec. Bonnard expose au Salon des Cent en août-septembre 1896 et en fait l’affiche.

Femme au parapluie
Femme au parapluie |

Bibliothèque nationale de France

Salon des Cent : 23e exposition d’ensemble
Salon des Cent : 23e exposition d’ensemble |

Bibliothèque nationale de France

Bonnard participe aux albums collectifs de Vollard de 1896 et 1897 et réalise pour lui la suite Quelques aspects de la vie de Paris publiée en 1899. Vollard édite des ouvrages qu’il illustre : Parallèlement de Verlaine (1900) et Daphnis et Chloé de Longus (1902), ainsi que l’Almanach du Père Ubu d’Alfred Jarry (1900).

À partir de 1900, Bonnard séjourne de plus en plus souvent en Île-de-France et en Normandie dans la vallée de la Seine ou en Dauphiné où se trouve sa maison familiale et ne demeure à Paris que pendant l’hiver. Sa peinture s’oriente vers la représentation de scènes intimistes mettant fréquemment en scène sa compagne Marthe. Sa palette s’éclaircit. Son exposition personnelle chez Bernheim Jeune en 1907 est la première d’une longue série.

À partir de 1910, il peint de plus en plus des paysages et des natures mortes. Familier du Midi de la France dont il apprécie la lumière, il s’installe au Cannet en 1925. Son activité de lithographe se limite alors à l’illustration de livres principalement pour Vollard.

Provenance

Cet article a été publié dans le cadre de l’exposition Impressions nabies présentée à la BnF du 9 septembre 2025 au 11 janvier 2026. 

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