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Goethe, Faust, la Damnation

L'Église
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Bibliothèque nationale de France

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Si Berlioz, comme tous les Romantiques, admire Goethe, c'est surtout le personnage de Faust qui le fascine, tant il incarne l'esprit romantique.
 
Faust dans son cabinet
Faust dans son cabinet |

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La légende de Faust s'est édifiée sur un personnage qui aurait réellement existé au début du 16e siècle, charlatan, astrologue, qui se rendit célèbre en faisant des miracles : il pratiquait l'art des magiciens. Une première histoire anonyme, qui devient vite très populaire, est publiée en 1587 à Francfort : Faust vend son âme au démon Méphistophélès en échange du savoir, des biens et plaisirs terrestres. Le dramaturge anglais Christopher Marlowe transpose le récit vers 1590 (La Tragique Histoire du docteur Faust). Empreint de l'esprit de la Renaissance, animé d'un esprit de rébellion, son Faust exalte le triomphe de la raison et la quête du savoir, mais finit, au terme de sa vie, par implorer le ciel de sauver son âme. Par la suite et jusqu'à la fin du 18e siècle, Faust est le sujet d'innombrables spectacles de marionnettes (Faustpuppenspiele), où la farce prend le pas sur le drame. En 1791, Friedrich Maximilian von Klinger s'empare du héros et écrit un roman : Vie, exploits et descente aux Enfers de Faust. Klinger était l'un des fondateurs du mouvement littéraire romantique allemand Sturm und Drang (nom de l'une de ses tragédies, Tempête et Élan), créé dans les années 1770 en réaction contre le classicisme ; Goethe et Schiller en furent les chefs de file. À son tour, Goethe s'attaque à la légende et y travaillera de 1773 à 1832. Une version primitive, Urfaust, paraît en 1773, où l'écrivain exprime ses rêves et ses révoltes, son goût pour la magie et l'alchimie. En 1808 est publiée la première partie de la tragédie. Le pacte prend la forme d'un pari : Méphisto parviendra-t-il à pervertir Faust ? Celui-ci incarne l'homme romantique, pris entre le désir de s'adonner au plaisir immédiat et le goût de plus hautes aspirations. Goethe termine sa tragédie par la publication d'une deuxième partie en 1832. Dans une longue quête symbolique du savoir, Faust traverse de multiples aventures extraordinaires et, à sa mort, son âme échappe à Méphisto. L'œuvre de Goethe est la plus célèbre version de la légende et elle a largement contribué à l'édification du mythe, qui sera repris maintes fois, sous les formes les plus diverses, dans la littérature, le théâtre et le cinéma.

Huit Scènes de Faust

Chevauchée de Faust et de Méphistophélès devant le gibet de Montfaucon
Chevauchée de Faust et de Méphistophélès devant le gibet de Montfaucon |

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Berlioz découvre le premier Faust de Goethe dans la traduction de Gérard de Nerval (1828) : « Le merveilleux livre me fascina de prime abord. » Il est séduit par le thème, la forme, la philosophie de la nature et ce héros qui incarne l'esprit romantique : passionné, curieux de connaissance, courageux et désespéré. Berlioz a immédiatement le désir de mettre en musique les parties versifiées. Les Huit Scènes de Faust à peine achevées, il les fait éditer à ses frais sans même en avoir entendu une note. Chacune des huit scènes porte, en tête, une citation de Shakespeare et chacun des huit titres est accompagné d'un commentaire sur le ton : « Chants de la fête de Pâques. Caractère religieux et solennel », « Paysans sous les tilleuls. Gaieté franche et naïve », « Chanson de Méphistophélès. Raillerie amère », « Romance de Marguerite. Sentiment mélancolique et passionné », etc. Berlioz en envoie un exemplaire à Goethe qui, prenant avis du compositeur Zelter dont la réaction est violemment négative, ne répondra jamais. Il juge lui-même sa partition « incomplète et fort mal écrite » et la retire.

La Damnation de Faust, une légende dramatique

La Damnation de Faust
La Damnation de Faust |

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En 1845, Berlioz décide de s'atteler à une nouvelle œuvre sur la légende de Faust et d'en faire un « opéra de concert ». Il reprend les Huit Scènes, dont il conserve toutes les mélodies, et qui deviennent le cadre de La Damnation. Il est aidé du librettiste Almire Gandonnière, ami de Nerval, mais il écrira lui-même la plus grande partie des textes. C'est en voyage, dans les divers moyens de transport, partout où il se trouve, qu'il va composer paroles et musique : « Ce fut pendant ce voyage en Autriche, en Hongrie, en Bohême et en Silésie que je commençai la composition de ma légende de Faust, dont je ruminais le plan depuis longtemps. »  Ainsi écrit-il en malle-poste allemande l'hymne à la nature, inspiré des vers de Goethe.

Une fois lancé, je fis les vers qui me manquaient au fur et à mesure que me venaient les idées musicales, et je composai ma partition avec une facilité que j'ai bien rarement éprouvée pour mes autres ouvrages.

« Ma légende dramatique de La Damnation de Faust », Mémoires, ch. LIV

Le succès de son orchestration de la Marche de Rakoczy l'incite à l'insérer dans la partition. Pour justifier cet emprunt, il place son héros au début de l'action en Hongrie. À la critique qui lui est faite de cette délocalisation de Faust, Berlioz répond simplement  : « Je ne vois pas pourquoi je m'en serais abstenu, et je n'eusse pas hésité le moins du monde à le conduire partout ailleurs s'il en fût résulté quelque avantage pour ma partition. » Il termine son œuvre à Paris, au printemps 1846 ; il en est satisfait : « Je regarde cet ouvrage comme l'un des meilleurs que j'aie produits. »

Marguerite
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Méphisto
Méphisto |

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La première représentation de La Damnation de Faust a lieu à l'Opéra-Comique en décembre 1846, dans la plus parfaite indifférence : le public n'est pas venu. Berlioz aura plus de chance avec la Russie et l'Allemagne où l'accueil est très chaleureux ; il y donne d'abord les deux premières parties de l'ouvrage, puis l'intégralité qui connaît un triomphe à Berlin en 1847. Cet opéra qui, à l'origine, n'était pas destiné à être mis en scène, est aujourd'hui souvent représenté.