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Un paysage original

Des moquettes de paille
Des moquettes de paille

© Bibliothèque nationale de France

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Quelle est la différence, au Moyen Âge, entre un village et une ville ? Tout n’est pas qu’une question de taille : c’est autour des villes qu’on trouve les remparts les mieux fortifiés, mais aussi des lieux aux fonctions variées : cathédrales, hospices, universités, places publiques, logements raffinés... Des édifices qui donnent à chaque ville un visage particulier.

Les fortifications urbaines

Entre un village fortifié et une ville, la différence ne réside pas seulement dans un changement d’échelle, mais surtout dans la diversification des fonctions urbaines. Cependant, les fortifications monumentales restent l’apanage des villes.

En prévision de son départ en croisade, Saint Louis fait bâtir le port d’Aigues-Mortes et fait commencer les fortifications de cette ville achevées par Philippe le Hardi. Non loin de là, il fait remanier les fortifications de la ville de Carcassonne, qui reste une des plus impressionnantes constructions militaires médiévales conservées en France. Les comtes n’hésitent pas à faire fortifier le plus puissamment possible leur ville, comme en témoignent encore de nos jours les murailles entourant Provins, qui jouent sur toutes les gammes possibles de plan défensif pour s’adapter aux progrès de la poliorcétique.

L’armorial de Revel
L’armorial de Revel |

© Bibliothèque nationale de France

Un château urbain domine souvent la ville ; sa garnison vient compléter le dispositif défensif des murailles. La population peut se réfugier dans sa basse-cour en cas de danger. Au 15e siècle, de nouvelles fortifications apparaissent, comme celles encore conservées en Avignon. En période de troubles, certaines églises sont fortifiées. Les progrès de l’art militaire imposent des nouveautés dans l’édification des murailles : de hautes courtines courent entre des tours rondes dotées d’une base trapue, tandis que les mâchicoulis et les créneaux aux formes savantes se multiplient. La porte de la ville est précédée d’un pont-levis flanqué de deux grandes tours aux toits en tabatière couverts d’ardoise. Ces dernières disposent d’une salle de garde pour abriter une garnison et accueillir des réunions de milices urbaines armées (les sociétés des Portes du Midi). Au nord de l’Europe, les enceintes urbaines sont très vastes : plus de 600 hectares pour Gand, plus de 400 hectares pour Louvain, Bruges et Bruxelles. Ces villes nordiques intègrent de vastes espaces agricoles. Dans les villes méditerranéennes beaucoup plus denses, ces enceintes sont plus modestes et l’absence de zone rurale en ville impose des relations encore plus intenses avec la campagne environnante.

Cheminées à haute souche dans la ville d’Avignon
Cheminées à haute souche dans la ville d’Avignon |

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Le temps des cathédrales

L’autre symbole de la ville, souvent représenté sur son sceau, est la cathédrale. Les cités, chefs-lieux de diocèse, rivalisent pour avoir la cathédrale la plus haute et la plus belle, au prix de lourds investissements financés par des impôts extraordinaires et des dons et legs des fidèles et des chanoines. L’évêque célèbre le culte dans la cathédrale (où se trouve la cathèdre, siège épiscopal), entouré de chanoines qui forment le chapitre cathédral. Il a la responsabilité de la vie religieuse de son diocèse et donc de l’orthodoxie des fidèles.

À ce titre il est chargé de la recherche des hérétiques, avant d’être relayé par l’Inquisition confiée aux ordres mendiants à partir de 1231. Il doit également veiller à la bonne formation du clergé, qu’il doit visiter une fois par an et qu’il réunit en synode annuel. Sa fonction lui impose de rendre la justice dans un tribunal spécifique (l’officialité) pour les cas relevant de sa compétence. On comprend dès lors l’importance de la chancellerie de l’évêque, en général réunie à son palais. La cathédrale n’est donc pas seulement un monument isolé, elle s’intègre dans tout un quartier aux fonctions diversifiés comprenant un palais épiscopal avec sa propre chapelle, les maisons particulières des chanoines distribuées autour d’un cloître commun, une école et parfois un hospice.

D’immenses chantiers

Le Moyen Âge est souvent assimilé au “temps des cathédrales”. Effectivement, ces immenses chantiers ont mobilisé les efforts des architectes et des artistes en tout genre (tailleurs de pierre, sculpteurs, peintres, maîtres verriers) pour produire des chefs-d’œuvre, inspirés par l’art roman d’abord puis par l’art gothique.
L’architecture des églises rend compte des évolutions religieuses et culturelles de la société médiévale. Le développement du culte des reliques entraîne par exemple la multiplication des cryptes. Ainsi, la réforme grégorienne, en rendant sa dignité au clergé, le coupe de la masse des fidèles : le jubé et les clôtures de chœur permettent la célébration en toute sérénité des multiples offices des chanoines, tandis que les fidèles sont cantonnés dans la nef.

Construction de Saint-Jacques de Compostelle
Construction de Saint-Jacques de Compostelle |

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Dagobert visitant le chantier de la construction de Saint-Denis
Dagobert visitant le chantier de la construction de Saint-Denis |

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L’art roman

De la fin du 10e siècle au milieu du 12e siècle s’épanouit l’art roman en Europe avec des variations de style (du plan, des clochers, des portails) selon les régions. Cet art bénéficie de la stabilisation des Normands, de l’affermissement de la dynastie capétienne, de l’aventure des croisades, de la ferveur des pèlerinages et de l’essor du monachisme. Les églises conservent un plan basilical en croix latine hérité de l’art chrétien primitif, avec une nef et une croisée du transept surmontée d’un clocher (sauf en Normandie, où on lui préfère la façade à deux tours).

Lorsqu’une église est également lieu de pèlerinage, un déambulatoire à chapelles rayonnantes est construit afin de faciliter la circulation des fidèles (Chartres, Rouen et Auxerre dès le 11e siècle). Les façades peuvent être dépouillées comme l’abbaye aux Hommes de Caen ou entièrement sculptées comme Notre-Dame-la-Grande à Poitiers. Les derniers feux de l’art roman brillent dans la magnifique église de Moissac (1120) et la cathédrale d’Autun (1135).

La période gothique

Construction du Temple de Jérusalem
Construction du Temple de Jérusalem |

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À partir de 1140 s’ouvre la période dite gothique ; ce style est appelé alors opus francigenum (art français), car né au cœur de l’Île-de-France. Suger (v. 1081-1151), abbé de Saint-Denis, pose les principes de cette nouvelle architecture. Selon lui, Dieu, lumière créatrice, doit être loué par un édifice également pétri de lumière. Les murs s’évident alors pour s’ouvrir sur d’immenses verrières, les voûtes s’allègent (voûtes sur croisées d’ogives). En 1140, Suger reconstruit son église abbatiale de Saint-Denis sur ce nouveau modèle qui est repris à Sens la même année, puis à Notre-Dame de Paris à partir de 1163.

Les principales cathédrales sont renouvelées dans des dimensions considérables. Les voûtes gagnent des hauteurs vertigineuses qui atteignent leurs limites à Beauvais en 1284. Les architectes comme Villard de Honnecourt jouent un rôle majeur dans ces nouvelles techniques de construction très élaborées. Pour la cathédrale de Noyon (1150-1235), on met au point une quadruple élévation : arcades, tribunes, arcatures aveugles et fenêtres hautes. Celles de Reims et d’Amiens marquent l’apogée du style gothique dit rayonnant.

Élévation intérieure des chapelles absidales de la cathédrale de Reims
Élévation intérieure des chapelles absidales de la cathédrale de Reims |

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Élévations intérieure et extérieure d’une travée de la nef de Reims
Élévations intérieure et extérieure d’une travée de la nef de Reims |

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Après 1260, les innovations architecturales se déplacent vers le Midi (Narbonne, Clermont-Ferrand, Limoges, Toulouse), la Bourgogne, l’Est (Metz) et la Normandie (Saint-Ouen de Rouen), avec une préférence pour les églises à nef unique. Au début du 14e siècle, le gothique se fait flamboyant avec un décor extérieur exubérant proche de la dentelle de pierre (Saint-Urbain de Troyes, Saint-Séverin et Saint-Germain-l’Auxerrois à Paris).

L’habitat urbain

À partir du 13e siècle en France (plus tôt en Angleterre), les constructions étagées en pierre remplacent les édifices en bois ou en torchis trop fragiles face aux incendies (Chartres en 1134 et Dijon en 1137 sont entièrement ravagées par le feu). Un souci d’urbanisme se fait jour dans les règlements pour espacer les îlots bâtis, faire paver les rues et gérer la distribution de l’eau et l’enlèvement des ordures.

Une nouvelle esthétique urbaine

Une véritable esthétique urbaine préside à la distribution des monuments et à leur mise en valeur, que ce soit des monuments religieux (église, palais épiscopal, couvents) ou monuments profanes (beffroi, hôtel de ville, places publiques). L’habitat des classes supérieures comprend plusieurs étages avec des pièces spécifiques (cuisine, garde-robe, salle d’étude), des écuries, des jardins et tous les raffinements du confort (cheminées, vitres) et de l’hygiène (puits filtrants, évacuation des eaux usées et latrines).

Cet habitat aristocratique conserve le souvenir du château rural avec une grande salle de réception (aula), une chapelle privée et une tour. Il adopte les dernières modes venues d’Espagne et d’Italie dans la décoration de ses demeures : pavements multicolores, fresques, peintures sur les plafonds et les meubles, reproduisant souvent le blason familial.

La propreté des mains
La propreté des mains |

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L’habitat populaire

En revanche, l’habitat populaire reste à la limite de l’insalubrité avec des pièces exiguës, peu aérées et mal éclairées par de modestes lampes à huile ou des chandelles de graisse animale. Chez les artisans, le rez-de-chaussée est occupé par l’ouvroir ou la boutique donnant directement sur la rue et par une pièce pour la vie familiale, tandis que les étages abritent des chambres et l’atelier de certaines professions (tisserands, orfèvres).

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