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Une société nouvelle et diversifiée

Recluserie
Recluserie

© Bibliothèque nationale de France

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Des riches marchands aux nombreux exclus, la ville au Moyen Âge constitue une société à part entière, offrant du pouvoir aux uns et le déniant aux autres.

La domination de la bourgeoisie marchande

En ville, les classes montantes sont représentées par les grands marchands et hommes d’affaires dont la richesse est fondée sur le commerce lointain, la grande industrie textile et la banque.

Les corporations

Groupés en corporations, ces grands marchands développent une culture et une éthique particulières, valorisant le travail et la recherche du profit. Les interdictions religieuses de l’usure sont contournées par des prêts apparemment gratis etamore ; de plus, l’usurier repenti fait des donations à la fin de sa vie pour assurer son salut. On trouve aussi dans les classes montantes les maîtres des métiers et les compagnons les plus entreprenants qui accèdent à la maîtrise, mais peu à peu cette promotion devient impossible et la barrière entre maîtres et compagnons se fait plus étanche. La bourgeoisie paye son entrée dans ce groupe protégé par les lois de la ville et conquiert de plus en plus souvent le pouvoir communal (échevins du Nord, capitouls de Toulouse, consuls du Midi).

L’apprenti boulanger
L’apprenti boulanger |

© Bibliothèque nationale de France

Les apprenties couturières en habits de lin
Les apprenties couturières en habits de lin |

© Bibliothèque nationale de France

Une masse populaire exclue du pouvoir

Le peuple, lui, reste exclu du pouvoir. Il est constitué d’une masse hétérogène d’apprentis espérant devenir compagnons et de travailleurs salariés. Ces derniers sont souvent menacés par le chômage.

Les prostituées

Les prostituées font aussi partie de ce paysage urbain, elles sont tolérées, voire intégrées à la ville. Mais Saint Louis, voulant imposer l’ordre moral à son royaume, édicte plusieurs ordonnances contre la prostitution, mais en vain, car elles ne seront pas reprises par ses successeurs.

Les prostituées
Les prostituées |

© Bibliothèque nationale de France

Les reclus

Enfin, la société urbaine secrète différentes sortes d’exclus. Dans des reclusoirs, minuscules cellules accolées aux églises, aux cimetières ou aux fortifications de la ville, vivent des reclus (le plus souvent des femmes) qui se sont volontairement cloîtrés pour toujours. Ces personnages, souvent mystiques, deviennent des conseillers spirituels dont la conversation par la petite fenêtre est recherchée et dont les visions et révélations sont parfois couchées par écrit grâce à la diligence de leur confesseur (comme Ermine de Reims). La ville prend en charge l’entretien de ces religieux particuliers, que l’Église tente de soumettre à l’autorisation épiscopale et à une règle, comme celle qu’Aelred de Rielvaux († 1167) a écrite pour sa sœur.

Les communautés juives

Par ailleurs, les juifs forment une communauté plus ou moins importante avec son quartier (souvent appelé la Juiverie), ses rues et son cimetière. À partir du 12e siècle, leur situation se dégrade. De cette période datent les premières accusations de meurtres rituels d’enfants chrétiens. Les communautés juives sont victimes de pogroms à l’occasion de chaque croisade et de la Grande Peste de 1348. Plus souvent, les juifs sont en butte à des confiscations, des législations discriminatoires : cohabitation et repas communs avec les chrétiens sont interdits à partir du IVe concile de Latran (1215).

Ils sont même obligés de porter un signe distinctif (la rouelle) à partir de ce même concile, et particulièrement sous le règne de Saint Louis, qui n’hésite pas, comme plusieurs rois capétiens, à les expulser du royaume, quitte à leur faire payer cher ensuite leur retour et leur protection (méthode reprise par Philippe le Bel en 1306). Saint Louis fait également brûler publiquement le Talmud à Paris.

Les lépreux

Lépreux assis sur le pavé de la rue
Lépreux assis sur le pavé de la rue |

© Bibliothèque nationale de France

Enfin, les lépreux, nombreux durant tout le Moyen Âge (2 à 3 % d’endémicité), se tiennent à l’écart des villes dans des léproseries (appelées maladreries). Dès que la maladie se déclare, un véritable rituel sépare les lépreux de la société. Lors de leurs déplacements, les malades doivent se faire connaître en agitant une crécelle. Les lépreux sont massacrés en 1321, accusés d’empoisonner l’eau des puits. Bien qu’ils inspirent la peur et la répulsion (à cause de leur faciès léonin et de l’assimilation de la lèpre au péché), Humbert de Romans, maître général des dominicains († 1277), n’hésite pas à conseiller à des frères d’aller prêcher aussi aux lépreux. Saint Louis lave les pieds des lépreux, acte saint héroïque imité de saint François d’Assise.

Cette peur et cette répulsion s’expriment parfois violemment à l’égard des infirmes, des errants, des mendiants, « gens sans foi ni loi », dont la ville se méfie.

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