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Trésors d’écriture en Mésopotamie : histoires de mythes, histoires de bijoux

Peinture dite de L’Ordonnateur du sacrifice
Peinture dite de L’Ordonnateur du sacrifice

© 2009 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

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La philologie, l’archéologie, comme l’histoire de l’art ont permis, dès les années 1990, le développement de recherches scientifiques consacrées à la place du bijou dans les textes. Parures du quotidien ou offrandes matérielles destinées aux dieux et aux défunts, le bijou participe pleinement à la compréhension des civilisations de l’Orient ancien. 

Principaux sites de l'Orient Ancien (IIIe-Ier millénaire)
Principaux sites de l'Orient Ancien (IIIe-Ier millénaire) |

Bibliothèque nationale de France

Récits légendaires et figures héroïques

 L’épopée de Gilgamesh, d’abord transmise oralement puis rédigée en cunéiforme sur des tablettes d’argile (18e siècle avant notre ère), honore le roi d’Uruk divinisé et son acolyte Enkidu ou « Créature d’Enki ». La lecture de ces extraits révèle une étonnante valorisation de gemmes et de métaux employés, par exemple, pour l’ornementation d’un char, d’une statue à l’effigie d’Enkidu (huitième tablette) ou l’aménagement de l’illustre « jardin-des-Arbres-à-Gemmes » (neuvième tablette). Alors en quête d’immortalité, après la mort d’Enkidu, Gilgamesh traverse un jardin composé de cornaline, lapis-lazuli voire de fruits en rubis ou de fleurs en lazurite.  

Orthostate
Orthostate |

© 2011 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

La figure de Gilgamesh est clairement associée à l’art néo-assyrien (721-705 avant notre ère). En effet, sur le site actuel de Dur Sharrukin ou Khorsabad dans le Nord de l’Irak, un orthostate, décor sculpté en bas-relief, aujourd’hui intitulé « Héros maîtrisant un lion, dit Gilgamesh », se caractérise par une figure masculine qui serre un petit lion. Représentée de face, vêtu d’une grande robe, d’un pagne et chaussé d’une paire de sandales, elle est parée de bijoux identifiés comme des bracelets, à rosace ou en spirale, et une paire de boucles d’oreilles à pendant. 

Collier
Collier |

© 2011 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Il voit des rubis, les cornalines, les lapis-lazuli 
qui pendent en grappes leur vue est agréable et réjouit le cœur, il voit aussi l’épine et la ronce qui portent des pierres précieuses et des perles de mer.  
Le dieu Shamash apparaît à Gilgamesh et lui dit :  
"Où vas-tu Gilgamesh ?
La vie que tu cherches 
tu ne la trouveras pas ". 

Abed Azrié, 2010

La Mésopotamie du 3e millénaire avant notre ère se distingue par la célèbre Dame d’Ur, figure emblématique de l’âge du bronze considérée, dans la littérature qui lui est consacrée, comme une figure royale et religieuse. En effet, entre 1922 et 1934, à l’occasion des fouilles archéologiques dirigées par Leonard Woolley (1880-1960) sur le site d’Ur, actuel Tell al-Muqayyar, dans le sud de l’Iraq, la prêtresse ou « nin » Puabi a été inhumée dans l’une des tombes dites royales (PG 800), avec ses serviteurs empoisonnés et parmi un riche mobilier funéraire (armes, vaisselles en métal ou instruments de musique). À l’instar des divinités mésopotamiennes évoquées dans les mythes comme La Descente d’Inanna/Ishtar en enfer ou le long récit épique Ninurta et les Pierres, elle fut aussi parée de nombreux bijoux : ornements de tête aux motifs végétaux et floraux, colliers à rangs multiples de perles de cornaline, lapis-lazuli et or jaune1.  

Reconstitution de parures
Reconstitution de parures |

Reconstitution de parures en or, cornaline et lapis-lazuli : © British Museum
Parure de tête, or, lapis-lazuli, cornaline : © Metropolitan Museulm of Art

Le bijou raconté en peinture

Durant le règne de Zimri-Lîm (entre 1775 et 1761 avant notre ère), roi de Mari, actuel Tell Hariri, au sud-est de la Syrie, les peintres du palais ont représenté des rencontres où figures humaines et divines apparaissent parés de nombreux bijoux. À titre d’exemple, la peinture de l’Investiture, découverte en 1935-1936 dans la cour 106 du palais par l’archéologue français André Parrot (1901-1980), met en scène la déesse Ishtar coiffée d’une couronne divine et le roi Zimri-Lîm recevant les symboles de pouvoir, justice et vie que sont le sceptre et l’anneau, en lapis-lazuli et cornaline2.  

Une seconde peinture permet de mieux appréhender l’utilisation des bijoux à cette même époque. Il s’agit de L’ordonnateur du sacrifice, peinture également retrouvée à Mari. Les hommes portant des coiffes sont parés de simples bracelets et de colliers composés de pendentifs circulaires, ne s’agirait-il pas de bijoux en coquillage ou en albâtre 

Peinture dite de L’Ordonnateur du sacrifice
Peinture dite de L’Ordonnateur du sacrifice |

© 2009 Musée du Louvre / Thierry Ollivier

Tablette de Zimri-Lim, roi de Mari
Tablette de Zimri-Lim, roi de Mari |

© 2012 Musée du Louvre / Raphaël Chipault

L’art de la glyptique : des bijoux à lire ?

Au cours du 20e siècle, l’étude de la glyptique mésopotamienne a offert de nombreux objets à lire. À Ur, par exemple, le sceau-cylindre en lapis-lazuli, retrouvé au niveau du bras droit de la défunte et attribué à la « nin » Puabi présente une inscription en cunéiforme qui a confirmé son identité et son statut social. Il s’agit alors d’un support d’écriture qui devient bijou.  

Sceau-cylindre en lapis-lazuli avec inscription en cunéiforme
Sceau-cylindre en lapis-lazuli avec inscription en cunéiforme |

© British Museum

Par ailleurs, en Syrie, à Mari, une imposante perle en lapis-lazuli provenant du dépôt ou « Trésor d’Ur » présente une inscription gravée qui révèle l’identité de Mesannepada, fils du Meskalamdug, roi d’Ur. Enfin, sur le site archéologique iraquien de Tello, site fouillé en 1877 par l’archéologue français Ernest de Sarzec (1832-1901) en 1877, a été retrouvée « une perle en agate rubanée dédiée au dieu-lune, par le roi d’Ur divinisé, Ibbi-Sin, pour sa vie ».     

Perle en lapis-lazuli avec inscription en cunéiforme
Perle en lapis-lazuli avec inscription en cunéiforme
Perle gravée
Perle gravée |

© 2008 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Zones d'extraction et axes de distribution des précieuses gemmes dans l'Orient Ancien
Zones d'extraction et axes de distribution des précieuses gemmes dans l'Orient Ancien |

BnF

Notes

  1. Michèle Casanova dans l'article « Le lapis-lazuli, la pierre précieuse de l'Orient ancien » publié dans la revue Dialogues d'histoire ancienne, vol. 27, n°2, 2001
  2. Béatrice André-Salvini, 1999, p. 377

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre d'un partenariat avec l'École des Arts Joailliers, soutenue par Van Cleef & Arpels.

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