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Les origines légendaires du jeu d'échec

Le roi Arthur affronte Bédoïer aux échecs
Le roi Arthur affronte Bédoïer aux échecs

© Bibliothèque nationale de France

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S'il semble attesté que le jeu d'échecs a vu le jour en Inde vers le 6e siècle de l'ère chrétienne, son origine a donné lieu à de multiples légendes. Du sage Sissa au chevalier Palamède, revue des inventeurs légendaires du jeu des rois.

Le « roi des jeux » serait-il le plus ancien jeu intellectuel du monde ?

Cette séduisante idée a donné lieu à bien des hypothèses, aussi nombreuses que fantaisistes, quant à l'origine du jeu, jamais établie de façon certaine. Ainsi en trouverait-on des prémices dans l'Inde védique, 2000 ans avant Jésus-Christ. Le Bouddha lui-même aurait prêché contre la pratique du jeu le dimanche, 500 ans avant J.-C. ! Aujourd'hui, il est admis que les échecs ont bien fait leur première apparition en Inde, mais autour du 6e siècle de notre ère.

Un sage nommé Sissa

D'après la légende, l'inventeur présumé des échecs indiens serait un brahmane nommé Sissa. Il aurait inventé le chaturanga pour distraire son prince de l'ennui, tout en lui démontrant la faiblesse du roi sans entourage. Souhaitant le remercier, le monarque propose au sage de choisir lui-même sa récompense. Sissa demande juste un peu de blé. Il invite le souverain à placer un grain de blé sur la première case d'un échiquier, puis deux sur la deuxième case, quatre grains sur la troisième, huit sur la quatrième, et ainsi de suite jusqu'à la soixante-quatrième case en doublant à chaque fois le nombre de grains. Cette demande semble bien modeste au souverain fort surpris et amusé par l'exercice. Mais le roi n'a jamais pu récompenser Sissa : tout compte fait, il aurait fallu lui offrir non pas un sac, mais 18 446 744 073 709 551 615 grains... soit la toute les moissons de la Terre pendant environ cinq mille ans !

Légendes médiévales

À partir du 13e siècle, la pratique du jeu d'échecs est devenue courante en Occident. Des joueurs éclairés ont voulu assurer au « roi des jeux » le prestige et la légitimité de la haute Antiquité. De nombreuses fables et légendes ont alors circulé. Sachant que le jeu provenait d'Orient, certains ont imaginé le roi Salomon jouant aux échecs pour éblouir la reine de Saba. D'autres, le philosophe Xerxès offrant au roi de Babylone Evilmodorach ce jeu de guerre pour apaiser sa folie meurtrière. De plus avisés, remarquant que la Bible ne fait pas mention des échecs, leur ont trouvé un « inventeur » dans le monde grec en associant deux illustres personnages qui faisaient déjà beaucoup rêver : Aristote aurait ainsi instruit le jeune Alexandre le Grand...

Le cruel Evilmodorach, roi de Babylone
Le cruel Evilmodorach, roi de Babylone |

Bibliothèque nationale de France

Palamède, mythe de la société courtoise

Une dernière légende remonte à la mythologie : Palamède, héros de L'Iliade et grand rival d'Ulysse, aurait inventé les échecs pour divertir l'armée grecque alors que le siège de Troie s'éternisait. Célèbre pour son intelligence, le Palamède grec reste celui auquel de nombreuses inventions sont attribuées : l'alphabet, les nombres, la monnaie, les dés ou encore le jeu de dames... alors remplacé par celui des échecs.

Ulysse jouant aux échecs
Ulysse jouant aux échecs |

© Bibliothèque nationale de France

Achille dans sa tente
Achille dans sa tente |

© Bibliothèque nationale de France

Palamède, c'est aussi le nom d'un chevalier de la Table ronde qui occupe une place importante dans la littérature courtoise du 13e siècle. Jouant sur l'homonymie avec le héros grec, la légende du roi Arthur fait de ce chevalier Palamède, fils du sultan de Babylone mais converti au christianisme, l'instructeur de ses compagnons d'armes avec ce jeu qu'il a rapporté d'Orient. Ce Palamède devient l'inventeur « idéal » du jeu d'échecs pour la société médiévale : il concilie fable avec de réelles origines orientales et pense le jeu comme un parcours initiatique qui s'inscrit dans la quête du Graal.

Chevalier au mérite d'avoir livré le « plus noble des jeux », Palamède est représenté avec des armoiries « échiquetées d'argent et de sable », c'est-à-dire en damier noir et blanc. En s'appropriant le jeu, la société médiévale crée son propre mythe : pour de nombreux joueurs, Palamède demeurera « l'inventeur des échecs » jusqu'au... 19e siècle !

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