La Comédie-Italienne au 18e siècle

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Scène de Colombine avocat pour et contre d’Anne Mauduit de Fatouville
Dans Le Théâtre italien paru en 1700 (Paris, Cusson et Witte), Évariste Gherardi a retenu quatorze pièces données par Fatouville (désigné par l’acronyme M. D***), essentiellement regroupées dans le premier tome : Colombine avocat pour et contre est la huitième comédie que cet auteur a écrite pour les Comédiens-Italiens. Créée à l’Hôtel de Bourgogne le 8 juin 1685, elle se distingue des autres pièces par sa longueur (elle est quasiment complète) et par la part donnée au français. La scène de procès (souvent exploitée dans les comédies italiennes) représentée sur la gravure, qui porte l’indication « Gillot » (en référence à Claude Gillot), évoque la scène 7 de l’acte III qui se tient dans une salle d’audience pour instruire le procès d’Arlequin : travesti en marquis de Sbroufadel, grand séducteur, il est accusé d’avoir délaissé Colombine. Au début de la scène, une didascalie précise qu’il s’assoit sur une sellette (c’est-à-dire un petit siège en bois où les criminels se tenaient pendant l’interrogatoire) – position dans laquelle il est ici représenté. Colombine (jouée par Catherine Biancolelli, fille de « Dominique », le grand Arlequin de la troupe) est le personnage-vedette et « se fait Arlequin féminin » (Nathalie Marque), avec un sens certain de l’intrigue. Ses talents oratoires éclatent lors du procès, durant lequel elle joue à la fois le rôle de procureur demandant réparation pour les torts causés par l’amant infidèle, puis celui d’un jeune avocat défendant Arlequin (ce qui revient, pour Colombine, à se charger elle-même : « Une servante épouser un marquis, comblé des grâces et des bontés de son Prince ! »). Sous cette fausse identité, Colombine convainc le juge, et Arlequin s’en réjouit : « Je voudrais qu’il fût fille ; je l’épouserais pour m’avoir sauvé la vie. » La pièce s’achève sur le triomphe de Colombine qui, après avoir obtenu d’Arlequin la promesse qu’il épousera sa sœur, ôte sa robe d’avocat et révèle qui elle est. Lors de la reprise de Colombine avocat pour et contre le 25 février 1718, le jeune Louis XV « a ri comme il n’a jamais fait », selon le Journal de la Régence du 25 février 1718. ILD
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La réouverture de la Comédie-Italienne à Paris en 1716
Après la mort de Louis XIV, le régent (Philippe d’Orléans) fait venir une troupe d’Italie en mai 1716. L’Hôtel de Bourgogne, fermé depuis 1697, n’est pas encore prêt et les onze comédiens commencent par jouer à l’Opéra, selon Thomas-Simon Gueullette1. C’est en juin 1716, avec La Folle supposée, qu’ils se produisent dans leur théâtre, parfois appelé la Nouvelle Comédie-Italienne pour la distinguer de la Comédie-Italienne du 17e siècle (ou Ancien Théâtre-Italien). La direction est confiée à Luigi Riccoboni dit « Lélio ». Sa venue repose sur un malentendu : pensant trouver à Paris un terrain propice à sa réforme de la comédie italienne, il est pourtant obligé à ses débuts d’exploiter des canevas traditionnels. Il s’aperçoit vite que le public français ne comprend plus toujours l’italien et a pris l’habitude de se rendre dans les théâtres de la Foire pour retrouver certains types italiens.

Thomassin, l’acteur vedette qui incarne Arlequin
Tommaso Antonio Visentini (1682-1739), dit Thomassin, fut l’Arlequin de la Comédie-Italienne, de 1716 à 1739, et le créateur en 1730 de l’Arlequin du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Contemporain de ce dernier, Pierre-François Biancolelli (1680-1734), surnommé Dominique en référence à son illustre père, fut aussi l’un des grands interprètes d’Arlequin. Après leur mort, un autre Arlequin fut appelé en France pour leur succéder : Carlo Bertinazzi, dit Carlin (1710-1783).
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Pierre Carlet de Marivaux
Pierre Carlet de Marivaux (1688-1763) est resté discret sur sa vie et ses origines. Il fut journaliste, romancier, mais surtout auteur dramatique fécond qui, amoureux du théâtre et de la vérité, observait en spectateur lucide le monde en pleine évolution. Ses comédies, écrites sur un ton nouveau, montrent comment tomber amoureux par les ressources du langage et de la conversation : c’est le fameux « marivaudage ». Marivaux fut aussi célèbre en tant que romancier, que comme dramaturge. Ses romans ont été passionnément lus, discutés, imités en France et à l’étranger jusqu’à la fin du 18e siècle.
© Collection Comédie-Française
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Diversification de la programmation et renouvellement de la troupe

Frontispice du tome IV des Parodies du Nouveau Théâtre-Italien, 1738
L’édition des Parodies du Nouveau Théâtre-Italien, parue chez Briasson en 1731, comprend à l’origine trois volumes, puis passe à quatre volumes en 1738. Cette publication atteste le fait que la parodie est un genre reconnu au 18e siècle, même s’il est souvent l’objet de critiques. Houdar de La Motte en regrette l’existence dans son Discours sur la tragédie à l’occasion d’Inès de Castro (1730) : « Ainsi de l’ouvrage même qu’on veut tourner en ridicule, on s’en fait un dont on se croit fièrement l’inventeur, à peu près comme si un homme qui aurait dérobé la robe d’un magistrat, croyait l’avoir bien acquise en y cousant quelques pièces d’un habit d’Arlequin, et qu’il appuyât son droit sur le rire qu’exciterait la mascarade. » Fort de son expérience d’auteur pour des scènes variées, Fuzelier se fait le défenseur des « auteurs parodistes » et publie en 1731 dans le premier tome des Parodies du Nouveau Théâtre-Italien un Discours à l’occasion d’un discours de M. D. L. M. sur les parodies : « [ils] n’ont jamais eu l’intention de blesser personnellement les auteurs parodiés : ils ont cru se livrer à un badinage innocent, permis par les lois, créé par le bon goût, avoué par la raison et plus instructif que bien des tragédies. » Les débats sur la parodie dramatique qui agitent le 18e siècle reprendront les principaux éléments d’argumentation mobilisés au cours de la querelle entre La Motte et Fuzelier. Cela étant dit, l’abbé Sallier a déjà prononcé en novembre 1726 un Discours sur l’origine et le caractère des parodies devant l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, qu’il publie en 1733, et Fuzelier s’appuie sur ce Discours lors de la réédition en 1738 des Parodies du Nouveau Théâtre-Italien. Celle-ci comprend plus de parodies d’opéra que de parodies de tragédie, mais Fuzelier n’opère pas de distinction entre les deux.
La réflexion théorique, à charge ou à décharge, au sujet de ce qu’est la parodie dramatique montre à quel point celle-ci ne saurait être réduite à de petits ouvrages qu’il faudrait voir tomber dans l’oubli. Elle accompagne les succès ou les échecs des œuvres données à la Comédie-Française ou à l’Académie royale de musique. Elle met à nu les codes, s’amuse des facilités d’écriture, et contrevient par divers procédés au principe de l’illusion dramatique : la connivence avec le public est toujours recherchée. Il ne s’agit ni de spectacles de piètre qualité donnés sur des « tréteaux », ni de « farces » jouées par des « saltimbanques ». Contre ces clichés persistants à l’encontre de la parodie dramatique, « il faut pourtant souligner le fait qu’elle privilégie le plus souvent les œuvres à succès et consacre par là même la réussite de ces pièces au lieu de les dégrader dans l’esprit des spectateurs » (Isabelle Ligier-Degauque, Les Tragédies de Voltaire au miroir de leurs parodies dramatiques : d’Œdipe (1718) à Tancrède (1760), Paris, Champion, 2007). D’une grande variété formelle (parodie par écriteaux, parodie pour marionnettes, parodie-pantomime, parodie adoptant la forme « opéra-comique », etc.), elle est prisée par les théâtres des Foires Saint-Germain et Saint-Laurent ou par la Comédie-Italienne, sans s’y limiter : on la retrouve notamment à l’Académie royale de musique (par exemple, avec Platée de Rameau) et, plus tard, sur les théâtres du boulevard du Temple. Les théâtres de cour accueillent régulièrement des reprises de parodies dramatiques d’opéras et même, à la fin du 18e siècle, des parodies inédites écrites par Jean-Étienne Despréaux (Pauline Beaucé, Parodies d’opéra au siècle des Lumières : évolution d’un genre comique, Rennes, PUR, 2013). Tous les théâtres de Paris sont gagnés par la pratique de la parodie (Judith le Blanc, Avatars d’opéras : parodie et circulation des airs chantés sur les scènes parisiennes (1672-1745), Paris, Classiques Garnier, 2014). ILD
> À lire : Recueil de parodies dans Gallica
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Justine Favart dans Les Trois sultanes, rôle de Roxelane
Née en 1727 en Avignon de parents musiciens, élevée à la cour de Lorraine, Marie-Justine-Benoîte Duronceray est au 18e siècle une danseuse, actrice, auteur dramatique, chanteuse et musicienne (elle sait s’accompagner au clavecin, à la harpe et à la guitare) de première importance. Elle fait ses débuts à l’âge de dix-huit ans comme danseuse sous le nom de mademoiselle Chantilly à l’Opéra-Comique de la Foire Saint-Germain dans Les Fêtes publiques (œuvre célébrant le mariage du Dauphin, fils de Louis XIV). Quelques mois plus tard, après la fermeture de l’Opéra-Comique de la Foire de Saint-Laurent, elle se marie à Bruxelles avec le dramaturge Charles-Simon Favart, qui a pris la direction du Théâtre de la Monnaie. Lors de ce séjour en Belgique, leur protecteur, le maréchal de Saxe, se prend de passion pour Marie-Justine (cf. Bernard Delhaume, Correspondance avec la comédienne Justine Favart, Paris, Champion, 2017). De retour à Paris, elle est reçue le 5 août 1749 à la Comédie-Italienne dans une reprise de la pièce Les Débuts de Biancolelli et Romagnesi, où elle joue le rôle de de l’Actrice débutante. En janvier 1752, le Dictionnaire des théâtres de Paris des frères Parfaict et Godin d’Abguerbe (Paris, Rozet, 1767, t. II) indique qu’elle est « reçue dans la troupe avec l’expectative d’une part entière dont elle est entrée en jouissance à Pâques par la retraite de la demoiselle Riccoboni (Flaminia) ». Elle connait une brillante carrière et s’illustre dans le genre de l’« opéra-comique » (mêlant passages parlés et passages chantés) sur des airs originaux ou « ariettes », notamment dans les œuvres de son mari ou dans celles qu’elle compose elle-même.
Justine Favart joue un rôle essentiel dans la réforme du costume de scène au 18e siècle, comme le souligne Charles-Simon Favart dans la biographie qu’il lui consacre après sa mort prématurée (en 1772) : « Avant elle, les actrices qui représentaient des soubrettes, des paysannes, paraissaient avec de grands paniers, la tête surchargée de diamants, et gantées jusqu’au coude ; dans Bastienne [Les Amours de Bastien et Bastienne, 1753, parodie en vaudevilles du Devin du village de Jean-Jacques Rousseau de Justine Favart, avec la collaboration d’Harny de Guerville], elle mit un habit de laine, tel que les villageoises le portent ; une chevelure plate, une simple croix d’or, les bras nus et des sabots. » Cette parodie remporte à l’époque un vif succès : traduite en allemand, elle « servit de livret au jeune Mozart pour son premier Singspiel (1768) » (Raphaëlle Legrand).
L’illustration tirée des Costumes et annales des grands théâtres de Paris (1786-1789) met ici en valeur Justine Favart dans la création du rôle de Roxelane en 1761, dans la comédie en vers Soliman second ou les Trois sultanes écrite par son mari, avec des ariettes de Paul-César Gibert. D’après Charles-Simon Favart, c’est la première fois que le public a pu découvrir sur la scène de la Comédie-Italienne les « véritables habits des dames turques […] fabriqués à Constantinople avec les étoffes du pays ». Le triomphe des Trois sultanes a donné naissance à plusieurs estampes, qui illustrent notamment la scène où Roxelane chante en s’accompagnant de la harpe (II, 15). Son interprète est ici représentée en habit de sultane, avec un pantalon bouffant dans le style oriental, que laisse voir la robe ouverte sur le devant, ainsi qu’une longue veste qui touche terre. Elle porte sur la tête une coiffe ornée de plumes. Pareille représentation de Justine Favart témoigne de son effort pour adapter le costume de son personnage à la réalité géographique et historique évoquée dans chaque œuvre dramatique. Son goût pour l’incarnation du rôle dans ses détails visuels sera partagé par d’autres, telle Mlle Clairon pour jouer, à la Comédie-Française, le personnage de Roxane dans Bajazet de Racine (dont elle accentue la cruauté : voir les Mémoires de Mlle Clairon, actrice du Théâtre-Français, écrits par elle-même). ILD
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J. Coutellier, Carlo Antonio Bertinazzi, dit Carlin, vers 1742
Après la mort de l’Arlequin « Thomassin » en 1739, la Comédie-Italienne peine à trouver un successeur qui soit digne de son talent. Antonio Costantini est le nouvel Arlequin désigné par la troupe, mais il est finalement éclipsé par Carlo Antonio Bertinazzi dit « Carlin ». Originaire de Turin, aussi doué pour l’acrobatie que pour la danse, ce comédien fait ses débuts chez les Italiens le 10 avril 1741 : « Comme il ne parlait que très peu et très mal notre langue, il avait choisi habilement pour pièce de début un ouvrage de Riccoboni intitulé Arlequin muet par crainte (Arlequino muto per forza), canevas italien en trois actes dans lequel il n'avait que quelques phrases à prononcer » (Émile Campardon, Les Comédiens du Roi de la troupe italienne pendant les deux derniers siècles : documents inédits recueillis aux Archives Nationales, Paris, Berger-Levrault, 1880, vol. I, p. 42). Avec son eau-forte (vers 1742), J. Coutellier fait donc le portrait de celui qui devient vite l’acteur-vedette de la Comédie-Italienne et rivalise avec la renommée atteinte par Thomassin ou, au 17e siècle, par Domenico Biancolelli. Selon la Correspondance littéraire (décembre 1783, t. XIII), « ce n’est pas la finesse de ses saillies, quoiqu’il lui en soit échappé d’excellentes, qui charmait le plus : c’était l’à-propos de tout ce qu’il imaginait de dire et de faire. […] On pouvait désirer quelquefois plus d’esprit dans son dialogue, mais il est sûr qu’on n’en pouvait mettre davantage dans ses gestes, dans ses mines, dans toutes les inflexions de sa voix. Et n’est-ce pas là surtout qu’il faut chercher le véritable esprit d’un Arlequin ? » Excellent acteur, il est aussi apprécié de ses camarades pour la gaieté de son caractère. Alors qu’en septembre 1779, à la Comédie-Italienne, les pièces italiennes sont supprimées du répertoire et tous les acteurs italiens renvoyés, seul Carlin est « conservé vu ses anciens et bons services pour jouer dans les pièces françaises du Théâtre-Italien les rôles à masques, s’il est possible », ainsi qu’on peut le lire dans un mémoire de 1779 qui fait État des acteurs de la Comédie-Italienne (cité par Pauline Beaucé dans Parodies d’opéra au siècle des Lumières, Rennes, PUR, 2013, p. 222). Il est emporté par une « maladie aiguë » selon la Correspondance littéraire, après avoir « paru encore au théâtre peu de jours auparavant ». ILD
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Une année-charnière pour la Comédie-Italienne : 1762
En 1762, une partie de la troupe de « l’Opéra-Comique » forain (c’est-à-dire celle qui paye à l’Académie royale de musique le privilège de chanter, en vertu du système des monopoles sous l’Ancien-Régime) est absorbée par la Comédie-Italienne. Celle-ci intègre le répertoire de l’Opéra-Comique et devient détentrice du privilège. 1762 est aussi le début de la collaboration de Carlo Goldoni avec la Comédie-Italienne (jusqu’en 1765). S’il évoque négativement dans ses Mémoires cette expérience, et valorise au contraire le fait d’avoir fait jouer Le Bourru bienfaisant (1771) à la Comédie-Française, Goldoni est pourtant bien mieux payé que Favart, et est inscrit en tant qu’auteur dans les règlements de la troupe des Italiens (Jessica Goodman).

Scène du « Tableau magique » dans Zémire et Azor de Grétry, 1771
Cette gravure de François Voyez, d’après un dessin de Jacques Louis François Touzé, est inspirée d’une scène fameuse de Zémire et Azor, « comédie-ballet mêlée de chants et de danses » de Grétry, sur un livet de Marmontel (d’après le conte de La Belle et la Bête), créée au château de Fontainebleau, le 11 septembre 1771, à l’occasion des fiançailles de Marie-Antoinette et du Dauphin de France, puis donnée à la Comédie-Italienne le 16 décembre 1771, et reprise au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles à partir de juillet 1772. Cette œuvre « marque un point de non-retour dans ce que l’on pourrait considérer comme l’ascension de l’opéra-comique au sein de la hiérarchie des genres dramatiques de l’Ancien Régime », en raison de « sa forme inhabituelle en quatre actes », de l’importance donnée aux ballets et d’« un dispositif scénique ambitieux, imposant des décors multiples et des costumes raffinés » (Patrick Taieb et Judith le Blanc, « Merveilleux et réalisme dans Zémire et Azor : un échange entre Diderot et Grétry », Dix-Huitième Siècle, 2011, n° 43, p. 185).
La dimension féérique si prégnante dans Zémire et Azor – avec la présence d’une Fée (elle a jeté un sort à Azor pour le rendre monstrueux, mais lui a conféré le don de « commander aux éléments ») et d’une troupe de génies et de fées – atteint son acmé au troisième acte avec la scène du « tableau magique » (III, 6). Dans un tableau (ici encadré par des colonnes corinthiennes ornées de guirlandes) qui se laisse découvrir derrière un rideau de gaze, les deux sœurs de Zémire et leur père chantent un trio de plaintes déchirantes (auxquelles l’héroïne ne peut répondre), soutenu par un ensemble d’instruments à vent placés dans la coulisse. Alarmée par l’état de santé de son père (Sander), Zémire touche finalement l’image et provoque sa disparition. Elle obtient d’Azor la permission de partir retrouver les siens, à condition qu’elle revienne avant le coucher du soleil (III, 7). Azor lui remet un anneau magique : il lui suffira de l’ôter pour qu’elle soit à nouveau auprès de lui, si elle le désire. Le troisième acte s’achève sur le spectacle du char volant qui conduit Zémire près de sa famille. La gravure de François Voyez parvient à rendre la dimension pathétique du tableau magique, qui à la fois recrée, aux yeux de Zémire, l’image familiale chérie – avec une place centrale occupée par le père, tendant désespérément les mains en avant, comme s’il voulait saisir le souvenir de sa fille – et la tient irrémédiablement à distance (l’héroïne, pure spectatrice d’une telle peine, ne peut apporter le moindre réconfort). ILD
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De la Comédie-Italienne à la « salle Favart » et à « l’Opéra-Comique »

L’Hôtel de Bourgogne, ancienne salle de la Comédie-Italienne
Ancienne résidence des ducs de Bourgogne à Paris, l’Hôtel de Bourgogne fut un des principaux lieux de représentation théâtrale parisien aux 17e et 18e siècles. Les Comédiens-Italiens s’y installent en 1577 à la demande de Catherine de Médicis. Ils s’y produisent avec succès jusqu’en 1697, date à laquelle Louis XIV les chasse et ferme leur théâtre après l’annonce d’une représentation de La Fausse Prude, pièce qui aurait visé directement Madame de Maintenon. Les Comédiens-Italiens reviennent à Paris sous la Régence et profitent de la protection du duc d’Orléans pour reprendre leurs représentations, d’abord à l’Opéra, puis à l’Hôtel de Bourgogne. Ils emménageront dans une salle entièrement rénovée, inaugurée le 28 avril 1783, baptisée le Théâtre Favart. L’Hôtel de Bourgogne est quant à lui abandonné et transformé en halle aux grains, avant d’être démoli en 1885 pour permettre le percement des rues rue Étienne-Marcel et Turbigo.
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L'Opéra-Comique, nouvelle salle de la Comédie-Italienne
Construite par l’architecte Jean-François Heurtier, la nouvelle salle de la Comédie-Italienne est inaugurée le 28 avril 1783 en présence de la reine Marie-Antoinette. Baptisée théâtre Favart puis Opéra-Comique National, elle est située dans le 2e arrondissement de Paris, sur l’actuelle place Boieldieu.
Un incendie a détruit cette salle dans la nuit du 14 au 15 janvier 1838, après une représentation du Don Giovanni de Mozart. Le théâtre est reconstruit en 1840 et brûle une seconde fois le 25 mai 1887 à cause d’une défectuosité de l’éclairage au gaz. Une nouvelle salle, reconstruite par l’architecte Louis Bernier, est inaugurée en 1898 après onze ans de travaux, avec en façade l’imposante corniche soutenue par six caryatides telle que nous la connaissons aujourd’hui.
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Affiche de l’Opéra-Comique national, 1797
L’Opéra-Comique devient « national » en 1793, comme on peut le voir en haut de cette affiche, annonçant la programmation de deux spectacles le « Primidi premier Nivôse, l’an sixième de la République française » (c’est-à-dire le 21 décembre 1797) : Le Franc Breton « comédie en un acte, en vers libres, mêlée d’ariettes, du citoyen Jaur, musique du citoyen Kreutzer » et Le Jugement de Midas « comédie en trois actes, en vers, mêlée d’ariettes, de feu le citoyen Dehll [ou d’Hèle] [avec la contribution d’Anseaume], musique du citoyen Grétry ». Outre la date indiquée, l’adoption du vocabulaire révolutionnaire se traduit par l’indication « citoyen » précédant les noms des librettistes et des compositeurs. Lors de la dernière décennie du 18e siècle, l’Opéra-Comique n’est plus qu’un « conservatoire a minima de la tradition italienne » et c’est « en vain que l’on chercherait dans la programmation de 1791 à 1795 une pièce de l’héritage italien de la première moitié du siècle » (Philippe Bourdin). Sa programmation comporte une part croissante de « comédies à ariettes » (mêlant passages parlés et passages chantés, sur des airs originaux) : l’affiche porte ici les noms d’Hèle et Grétry ; d’autres compositeurs s’illustrent dans ce genre, tels Favart, Sedaine, Anseaume, Marmontel, Duni, Philidor, Laruette ou encore Monsigny. ILD
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Notes
- Notes et souvenirs sur le Théâtre-Italien au 18e siècle, publiés par J. E. Gueullette, Paris, Droz, 1938.
- Evaristo Gherardi, Le Théâtre italien, 6 vol., Paris, chez Briasson, 1741.
Provenance
Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition Molière, le jeu du vrai et du faux, présentée à la BnF du 27 septembre 2022 au 15 janvier 2023.
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