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La laïcité, une idée qui vient de loin

Le baptême de Clovis
Le baptême de Clovis

Bibliothèque nationale de France

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L'idée de laïcité trouve ses racines dans l'Antiquité grecque. Un temps écartée par le christianisme triomphant, l'idée d'une séparation entre l'Eglise et l'Etat réemerge à la fin du Moyen Âge, dans les luttes de pouvoir entre le pape et le roi de France. Avec la Réforme, la nécessité d'une coexistence religieuse prend une nouvelle dimension.

Si le mot « laïque » n'apparaît que dans la deuxième moitié du 19e siècle, cette idée très ancienne trouve ses racines dans la philosophie grecque. Dès le moment où les hommes ont convoqué les dieux, au Parthénon, pour prendre en main leur destin, l'histoire de la pensée s'ordonne autour de deux mouvements contradictoires : l'un est le produit des certitudes métaphysiques, l'autre se fonde sur l'autonomie de la pensée individuelle. L'idée simple selon laquelle il est possible de vivre harmonieusement en pensant différemment aurait pu s'imposer naturellement au fur et à mesure des progrès sociaux et intellectuels.

Mais l'accès du christianisme au statut de religion officielle dans l'ensemble de l'Europe a provoqué un temps l'oubli de cette valeur patrimoniale. La collusion totale du pouvoir politique et du pouvoir religieux a longtemps arrêté la marche vers l'autonomie de la personne. D'autant qu'à ce modèle « théocratique » s'est substituée l'alliance du trône et de l'autel, entre le pouvoir royal et le pouvoir des clercs, scellée par le baptême de Clovis.

L’abbé de Saint-Denis, accompagné d’une procession, apporte la sainte ampoule
L’abbé de Saint-Denis, accompagné d’une procession, apporte la sainte ampoule |

© Bibliothèque nationale de France

L’archevêque de Reims oint le front du roi
L’archevêque de Reims oint le front du roi |

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La cérémonie du sacre
La cérémonie du sacre |

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L’archevêque remet le sceptre au roi
L’archevêque remet le sceptre au roi |

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Mais une telle alliance conduit à des tensions, chacune des deux puissances voulant la suprématie.
Au 12e siècle, Philippe IV le Bel affirme, contre le pape Boniface VIII, la prééminence du temporel sur le spirituel. Le souverain tire sa légitimité de l'Église mais affirme dans son État son autorité sur le clergé et limite au spirituel sa soumission à l'Église.

Cette distinction, simple pour les sujets du Roi – obéissance à ses représentants pour les actes de la vie civile et soumission au clergé pour leur vie spirituelle –, va se trouver bouleversée par le pluralisme religieux provoqué par la Réforme. Il va rendre nécessaire l'établissement d'une coexistence acceptable. C'est pour répondre aux effroyables guerres de Religion que Henri IV impose l'édit de Nantes. Mais l'instauration de cette tolérance est fragile et marque bien vite ses insuffisances. Louis XIV y mettra un terme, considérant qu'il ne peut y avoir que « un Roi, une foi, une loi ».

Révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV
Révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV |

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Assemblée des protestants à Nîmes dans le désert
Assemblée des protestants à Nîmes dans le désert |

Bibliothèque nationale de France

Voltaire assis à sa table de travail
Voltaire assis à sa table de travail |

Bibliothèque nationale de France

Portrait d’Henri IV
Portrait d’Henri IV |

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Parallèlement, le cheminement vers l'autonomie de la personne, capable de penser par elle-même, fut aussi très long. Au 12e siècle, la redécouverte de la philosophie grecque par des penseurs musulmans de la grande époque arabo-andalouse, notamment Averroès, mais aussi l'œuvre de catholiques comme Thomas d'Aquin permettent la distinction progressive entre la foi et la raison. Il faudra ensuite l'action des philosophes pour que s'impose l'évolution des mentalités avec l'affirmation de l'humanisme de Montaigne, l'esprit des lois de Montesquieu, le progrès de la pensée grâce au doute méthodologique de Descartes, la lutte contre les superstitions et la revendication de la liberté de conscience de Pierre Bayle, la distinction de la croyance et du raisonnement de Spinoza, le libéralisme politique de Locke et les travaux des philosophes du 18e siècle, Rousseau, Diderot et les encyclopédistes, Condorcet mais aussi les philosophes anglais et allemands, en particulier Kant.

À cela il faut ajouter le combat de Galilée ou de Giordano Bruno, la lutte de Voltaire pour défendre Calas, l'indignation provoquée par l'exécution pour blasphème du chevalier de la Barre afin que soit reconnu un ordre de l'esprit séparable de l'ordre divin.

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes
Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes |

Bibliothèque nationale de France

Émile, ou de l’Éducation
Émile, ou de l’Éducation |

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La Malheureuse Famille Calas
La Malheureuse Famille Calas |

Bibliothèque nationale de France

Provenance

Texte publié dans TDC n°903, 2005

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