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Parcours pédagogique

Quel cirque !

Les courses de char dans le monde romain
Par Maxime Cambreling, professeur de lettres classiques
10 min de lecture
Course de chars aux Circus Maximus
Vers 200 ap. J.-C., Tertullien, l’apologiste chrétien, doit admettre que des différents spectacles du monde romain, les courses de chars « surpassent tous les autres en magnificence ». En effet, plus encore que la pantomime ou les combats de gladiateurs, pourtant très populaires, les courses de chars jouirent des plus grandes faveurs du public, firent gagner les sommes les plus colossales à ses vainqueurs et entraînèrent les réactions les plus extrêmes, pour leurs admirateurs comme pour leurs détracteurs.
Ce parcours propose un panorama de textes et d’objets qui permettent d’aborder le thème de la course de chars dans une séquence de LCA autour du thème « vie privée, vie publique » et l’entrée « théâtre, jeux et loisirs publics » du programme de quatrième.
Les ressources pour réaliser l'activité

Le Circus Maximus (littéralement le « très grand cirque ») reste encore aujourd’hui le plus vaste édifice de spectacle jamais construit : pas loin de 600 mètres de long pour 200 de large, capable d’accueillir entre 150 000 et 250 000 spectateurs selon les estimations.

Il est situé dans la vallis Murcia, entre le Palatin, l’Aventin et le Tibre, depuis que Romulus y aurait organisé des jeux équestres pour distraire les Sabins afin d'enlever les Sabines. De premiers aménagements de bois sont progressivement remplacés par des constructions en pierre, de plus en plus ornées, en particulier sur l’espace central appelé spina. Des obélisques en particulier, importés d’Égypte, viennent s’y dresser en 10 av. J.-C. et 353 ap. J.-C.

Pistes pédagogiques

On pourra, avec les élèves, réfléchir à l’étymologie de circus et la rapprocher de la préposition et adverbe circum ou de l’adverbe circa. L’idée d’un espace dans lequel on tourne permet de mieux comprendre le lien avec notre cirque contemporain.

On pourra aussi chercher à traduire la légende de l’aureus d’Hadrien : Anno DCCCLXXIIII natali urbis populo circenses concessit. Elle offre la possibilité de revenir sur le compte des années dans le calendrier romain depuis la date légendaire de la fondation de Rome en 753 av. J.-C. et demander aux élèves de dater la monnaie.

Dans un exercice de lecture d’images, une comparaison des documents (gravure, monnaies, médaillon contorniate, texte de Tertullien) pourrait aussi amener les élèves à observer les éléments qui permettent d’identifier le Circus Maximus (metae, obélisques, porta triumphalis…)

Les ressources pour réaliser l'activité

Si les courses de chars furent si populaires dans le monde romain, c’est qu’elles étaient spectaculaires et pleines de rebondissements.

La mosaïque de Lyon et le poème de Sidoine Apollinaire montrent le déroulement d’une course intense, avec des dépassements, des prises de risque, des accidents, parfois graves. Les textes de Pline l’Ancien et Ovide racontent des courses où les chutes, les faux-départs exaltent les spectateurs.

Au signal du commanditaire qui lâchait un tissu, la mappa, les barrières qui maintenaient les attelages dans les carceres (littéralement « prisons », à savoir les stalles de départ) étaient baissées et les chars partaient pour, le plus souvent, sept tours de piste. Les passages délicats étaient les extrémités de la spina, les metae, que les auriges audacieux frôlaient au plus près, quand les plus prudents passaient au large.

Piste pédagogique

On pourra, avec les élèves, analyser et traduire les deux premiers vers du texte d’Ovide :

Maxima iam vacuo praetor spectacula circo
quadriiugos aequo carcere misit equos.

La forme poétique et le style du poète ont dispersé les différents mots d’un même groupe nominal, mais un repérage des cas permettra aux élèves de rétablir la construction et de mesurer toute la liberté qu’offre une langue flexionnelle. On pourra aussi observer les types et formes de phrases (interrogative, injonctive, exclamative…) utilisées et réfléchir à l’effet produit : la course est un moment d’expression des passions.

Les ressources pour réaliser l'activité

Le conducteur du char, appelé « aurige », pilote un attelage de deux chevaux (bige), trois (trige) ou plus souvent quatre (quadrige). Des inscriptions rapportent même des courses de sept chevaux attelés.

Ils peuvent gagner des sommes colossales, comme Dioclès qui mourut en 146 en ayant remporté dans sa vie 1462 de ses 4257 courses, lui ayant fait gagner 35 863 120 sesterces (comme nous l’apprend son épitaphe trouvée dans la nécropole du Vatican)

L’engouement du public est gigantesque, et les produits dérivés sont nombreux, comme les lampes à huile ou les couteaux de poche, qui servaient peut-être aussi à trancher les rênes en cas de problème. La BnF conserve plusieurs manches de couteaux gravés célébrant tel ou tel aurige, comme celui au nom de l’aurige Hilarus : à l'avers est représenté son casque de cuir et son fouet accompagné du nom de l'aurige, tandis qu'au revers est inscrit le nom du cheval Balano, avec une palme de victoire.

Mais ces dieux du cirque sont néanmoins mortels, et ce qui fait leur gloire peut aussi causer leur mort précoce, et de nombreuses inscriptions funéraires permettent d’en prendre la mesure. Des auteurs comme Martial s’en font aussi l’écho, comme dans l’épitaphe qu’il propose pour Scorpus.

Piste pédagogique

Avec les élèves, on pourra, avec des tablettes ou en salle informatique, explorer la riche collection de médaillons contorniates de la BnF. Ces médaillons, qui tirent leur nom du large sillon qui les entoure, ne sont pas des monnaies, mais plutôt des médailles commémoratives. Frappés ou coulés dans l'Antiquité tardive, ils possèdent souvent une iconographie en lien avec les jeux du cirque. Les élèves sont invités à identifier tous ceux où figure un aurige, en justifiant leur identification par une description des différents éléments caractéristiques.

Les ressources pour réaliser l'activité

Les supporters se divisent en quatre groupes, selon la faction qu’ils encouragent : les bleus, les verts, les blancs, les rouges. Tertullien nous en explique l’origine, en lien avec les saisons, les dieux, les éléments… Mais c’est aussi selon les quartiers, les corporations, les groupes sociaux… que l’on appartient à telle ou telle faction.

Les auriges, les chevaux, peuvent passer d’une faction à une autre (à grands frais) comme nous l’apprend l’épitaphe de Dioclès.

La rivalité entre ces quatre groupes peut conduire aux plus grandes extrémités, bien pire que ce à quoi le football peut mener : sous Justinien, la sédition nika a causé des milliers de morts. Ce déchaînement de passions violentes a pu être observé avec agacement, hauteur, voire mépris par les intellectuels comme Pline le Jeune.

Piste pédagogique

On pourra, en classe, analyser et traduire ce passage crucial dans sa lettre :

Si tamen aut uelocitate equorum aut hominum arte traherentur, esset ratio non nulla; nunc fauent panno, pannum amant

Vocabulaire utile :

făvĕo, -es, -ere, faui, fautum : être favorable à, s'intéresser à
pānnus, -i, m. : morceau d'étoffe

En guise d’ouverture, on pourra rapprocher pannum amant et notre contemporain « amour du maillot ». Le sport spectacle ne date pas d’aujourd’hui !

Pour aller plus loin