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Les académies

La salle des séances d’une académie
La salle des séances d’une académie

Bibliothèque nationale de France

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En France, au début du 17e siècle, une sociabilité savante se développe en réaction au pouvoir des universités. Ces cercles d’érudits, très nombreux à Paris et en province, forment des « académies » : citons par exemple celle de saint François de Sales à Annecy ou du père Mersenne à Paris. Leur officialisation a lieu à partir de 1635, avec la création de l’Académie française, suivie par celle de plusieurs autres académies royales : c’est l’occasion pour le pouvoir d’encadrer la vie culturelle et scientifique. Le mouvement parisien est érigé en exemple pour les académies qui se multiplient au siècle suivant, aussi bien en province qu’à l’étranger.

L’Académie française

Depuis 1629, un cercle de d’hommes de lettres se réunit chaque semaine autour du poète Valentin Conrart, secrétaire du roi, pour discuter de littérature et commenter les romans à la mode. Richelieu a l’idée de faire travailler ce cercle au service de la monarchie, sans doute afin de contrôler les discussions et de les orienter pour le rayonnement intellectuel de la France. En 1635, il prend la compagnie sous sa protection, la dote de statuts et en fait une institution officielle, l’Académie Française, qui comprend désormais quarante membres.

Jean-Baptiste Corneille, Frontispice du Dictionnaire de l'Académie Française, vers 1694
Jean-Baptiste Corneille, Frontispice du Dictionnaire de l'Académie Française, vers 1694 |

Bibliothèque nationale de France

L’institution a pour devise « à l’immortalité », elle doit embellir la langue française et « la nettoyer des ordures qu'elle a contractées ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du Palais et dans les impuretés de la chicane, ou par les mauvais usages des courtisans ignorants ». Elle a pour mission de rédiger quatre ouvrages : un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique. Seul le dictionnaire paraîtra, en 1694. Dès sa création et malgré l’élection de grands écrivains (Racine, Boileau, La Bruyère, Perrault…), l’Académie française subit beaucoup de critiques (Saint-Évremond, La Comédie des académistes, 1638). Elles se multiplient au siècle suivant : « J’ai ouï parler d’une espèce de tribunal qu’on appelle l’Académie française […]. Ceux qui le composent n’ont d’autre fonction que de jaser sans cesse, l’éloge va se placer comme de lui-même dans leur babil éternel », lit-on en 1721 dans les Lettres persanes de Montesquieu. Mais désormais, la plupart des écrivains cherchent à se faire élire à la prestigieuse Académie française, au prix de beaucoup d’intrigues et de beaucoup de déceptions.

L’Académie de Peinture et de Sculpture

En 1648, Charles Le Brun, de retour de l’académie de Saint-Luc à Rome, propose au cardinal Mazarin et à la reine-régente de fonder une académie de peinture et de sculpture : il s’agit de faire reconnaître leur dignité d’arts libéraux, loin des pratiques de la « troupe abjecte » des « artisans les plus mécaniques ». Les statuts interdisent aux membres de l’Académie d’exposer leurs tableaux en boutiques. Au siècle suivant, cette interdiction est compensée par l’organisation régulière de salons, conduisant également au développement de la critique d’art. Non seulement l’Académie détient alors un quasi-monopole sur la peinture d’histoire, mais des artistes comme Watteau ou Chardin, qui s’illustrent dans des genres dits « mineurs », s’y font également admettre. Contrairement à l’Académie française, le nombre de ses membres n’est pas fixe, et elle est ouverte aux femmes : Catherine Duchemin y est admise en 1663, Élisabeth Vigée-Lebrun en 1783.

Exposition des ouvrages de peinture et de sculpture par Mrs de l'Académie dans la galerie du Louvre, vers 1699
Exposition des ouvrages de peinture et de sculpture par Mrs de l'Académie dans la galerie du Louvre, vers 1699 |

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L’Académie royale de danse

Table des Jettées
Table des Jettées |

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Louis XIV, le « roi danseur », qui a fait à 13 ans ses débuts de danseur dans le Ballet de Cassandre, fonde en 1661 l’Académie royale de danse. Elle a pour mission de contrôler la création chorégraphique et l’enseignement, assuré par treize « Anciens », chargés, selon les lettres patentes, « d’instruire touchant la manière de danser, et montrer tant les anciennes que les nouvelles danses qui auront été ou seront inventées par lesdits treize Anciens, en sorte que ceux qui s’en voudront instruire se puissent rendre plus capables de montrer et éviter les abus et les mauvaises habitudes qu’ils pourraient avoir contractées ». S’ensuit une querelle avec les confréries de ménétriers, qui avaient jusqu’alors le privilège d’enseigner la danse. En 1680, Pierre Beauchamps prend la tête de l’Académie. Maître à danser de Louis XIV, il a créé en 1661 avec Molière et Lully Les Fâcheux, la première comédie-ballet de l’histoire. On lui doit notamment la formalisation des cinq positions de base, des pieds et des mains. En 1713, Louis XIV crée le Conservatoire de danse : il n’est pas à l’origine destiné aux enfants, mais voué à perfectionner la technique des danseurs de l’Académie.

L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Fondation de l’Académie des Inscriptions et des Médailles
Fondation de l’Académie des Inscriptions et des Médailles |

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C’est Colbert qui la fonde en 1663, sous le nom de « Petite Académie ». Charles Perrault raconte que le roi lui-même a déclaré aux académiciens lors d’une séance : « Vous pouvez, Messieurs, juger de l’estime que je fais de vous, puisque je vous confie la chose du monde qui m'est la plus précieuse, qui est ma gloire ». Cette académie doit en effet superviser les monuments érigés à sa gloire (les plafonds de la Galerie des Glaces à Versailles, par exemple), choisir les statues et leur emplacement dans les jardins, les motifs des tapisseries des appartements royaux… Elle relit également les livrets d’opéra et invente les devises immortalisant les hauts faits du roi. Ce dernier choisit ses membres parmi les meilleurs latinistes de l’Académie française. Après la mort de Louis XIV, elle est libérée de ses missions officielles et devient le « temple de l’érudition ».

L’Académie des Sciences

Louis XIV et Colbert à l’Académie des Sciences
Louis XIV et Colbert à l’Académie des Sciences |

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Louis XIV, convaincu par Colbert, fonde en 1666 l’Académie des Sciences, sur le modèle de la Royal Society de Londres, créée huit ans plus tôt, afin de favoriser et de contrôler le développement des sciences. L’académie examine les mémoires scientifiques et les inventions qui lui sont soumis, répond à des questions posées par l’administration royale et ses ingénieurs, et accorde un large rôle à l’expérimentation. Après des débuts assez informels, l’Académie se dote de règlements stricts, renforce sa hiérarchie interne et cherche à professionnaliser ses membres, en leur versant des pensions régulières.

L’Académie royale de Musique

Frontispice pour Cadmus et Hermione de Lully
Frontispice pour Cadmus et Hermione de Lully |

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En 1669, Pierre Perrin fonde une académie de musique pour encourager la création et la diffusion d’opéras en langue française. En 1672, Jean-Baptiste Lully, surintendant de la musique du Roi et fréquent collaborateur de Molière depuis 1661 (Les Fâcheux, première comédie-ballet), en récupère le privilège, fondant ainsi l’Académie royale de Musique. Les spectacles, luxueux, contrastent avec la sobriété des mises en scène théâtrales. Les lettres patentes interdisent « de faire chanter aucune pièce entière en France, soit en vers français ou autres langues, sans la permission par écrit dudit sieur Lully ». Si Molière peut continuer à faire jouer Psyché, le monopole est de plus en plus strict et gênant : brouillé avec Lully, il choisit de collaborer avec Charpentier pour renouveler la musique de La Comtesse d’Escarbagnas et pour sa dernière pièce, Le Malade imaginaire. En 1673, après la mort du dramaturge, Lully chasse la troupe de Molière du Palais-Royal pour y installer l’Académie Royale. Les comédiens se replient alors au Jeu de Paume de la Bouteille, rue Mazarine, dans l’ancienne académie de Perrin.

Les académies provinciales

Établies par lettres patentes royales et placées sous la protection d’un grand personnage, les académies provinciales jouent un rôle central dans la sociabilité et la vie culturelle des villes de province. Sous Louis XIV, les premières académies de province se situent dans des villes méridionales (Arles, Toulouse) et ont une vocation littéraire. De 1715 à 1760, le mouvement s’étend à l’ensemble du pays et prend une dimension pré-encyclopédique : les sociétés scientifiques sont désormais majoritaires. Il s’essouffle à la fin du siècle, tandis que se multiplient d’autres types de structures, comme les musées. Ces académies participent à la modernisation des municipalités, proposent parfois des cours publics (de dessin, de botanique, de sciences, de langues anciennes…) et organisent des concours, dont les résultats sont proclamés une ou deux fois par an.

L’Académie des sciences et des beaux-arts, dédiée au Roi
L’Académie des sciences et des beaux-arts, dédiée au Roi |

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Provenance

Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition Molière, le jeu du vrai et du faux, présentée à la BnF du 27 septembre 2022 au 15 janvier 2023.

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