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Parcours pédagogique

Mythes et récits de création

10 min de lecture
Barattage de la mer de lait
Dans la plupart des sociétés humaines, le mythe, la poésie ou le conte ont pour fonction d'expliquer le monde par la voie de la métaphore et du symbole. À ce titre, les cosmogonies sont nombreuses et diverses, malgré des éléments récurrents. Elles révèlent à leurs récipiendaires la manière dont les hommes se conçoivent, et conçoivent le monde qui les entourent.
Ce parcours propose d'examiner différents textes mythiques ou poétiques autour de la création du monde, et offre des pistes d'écriture.
 
Les ressources pour réaliser l'activité

Le mot mythe vient de grec muthos, qui signifie « récit ». Mais il ne s’agit pas de n’importe quel récit : le mythe est une histoire ayant pour but d’expliquer les mystères de monde, ses origines, ses valeurs, son sens, de situer les relations entre les hommes et les dieux. Même quand il est peu vraisemblable, il a une signification profonde, rendant compte de la représentation qu’une société se fait d’elle-même et de sa place dans l’univers. L'analyse comparée des mythes permet donc de comprendre comment chaque société conçoit son rapport à la nature, au surnaturel, au temps, à l'espace, à la mort, à la sexualité...

Les mythes prennent souvent une forme littéraire poétique, qui fait appel à de nombreuses métaphores. De la plus haute Antiquité jusqu'à nos jours, les poètes se sont emparés du thème de la création du monde, donnant lieu à des œuvres d'une grande diversité, dont l'évolution reflète celle des sociétés et des sciences.

Piste pédagogique

La consitution d'un corpus de mythes créateurs peut faire l'objet d'une recherche par les élèves ou être faite par le professeur. Une dizaine d'exemples, de tailles diverses, sont proposés dans les documents, mais on peut en trouver bien d'autres, dans les contes africains, la mythologie égyptienne ou les récits mésoaméricains.

L'analyse passe tout d'abord par le relevé des thèmes récurrent et un travail typologique, de classement des différents mythes. On peut orienter les élèves autour de ces différents éléments :

  • Comment cela a-t-il commencé ?
  • Qui est à l’origine ?
  • Combien de temps cela a-t-il duré ?
  • Dans quel ordre se crée le monde ?
  • Le mythe rend-il compte de désordres, de disputes, d’épreuves à traverser ?
  • Quelle place occupe l’être humain dans la création, quelle responsabilité a-t-il à son égard ?
  • Comment se situent l’homme et la femme l’un par rapport à l’autre ?
  • L’univers est-il fini ou infini, est-il perfectible, a-t-il une limite dans le temps ?
  • Le mythe évoque-t-il la mort ?
  • Le mythe sous-entend-il une représentation du bien et du mal ?
  • Le mythe repose-t-il sur une conception spécifique du temps (cyclique, avec un commencement et une fin, infini…) ?

On pourra ensuite mettre en contextes les différents mythes avec les constructions sociales et le développement des connaissances scientifiques. On pourra chercher, par exemple, les éléments qui témoignent, de manière poétique, d'intuitions sur les origines du monde que les scientifiques ne récuseraient pas aujourd'hui, ou au contraire, les éléments qui nous semblent aujourd'hui rendre compte de manière erronée de la réalité.

À côté des mythes, les contes n’expliquent pas le monde, mais proposent des parcours initiatiques pour s’y frayer un chemin. Les récits poétiques ou humoristiques, eux, n’ont d’autre ambition que de distraire les lecteurs même s’ils sont sous-tendus par un propos philosophique.

Piste pédagogique : écrire une suite

Les éditions Larousse proposent, en livre de poche, une anthologie intitulée 36 façons d’inventer le monde. Voici, extraits en partie de cette anthologie, six débuts de récits dont il est possible de faire imaginer la suite aux élèves, dans un travail antérieur ou postérieur à celui de l'analyse.

Le point de vue d’Adam

Lundi. Cette nouvelle créature aux longs cheveux est bien encombrante. Elle ne fait que traîner et me suit partout. Je n’aime pas ça ; je n’ai pas l’habitude de la société ; je voudrais qu’elle reste avec les autres animaux.
Temps couvert aujourd’hui, le vent est à l’est ; je pense que nous allons avoir la pluie… Nous ? Où ai-je pris ce mot ?… Je m’en souviens maintenant : c’est la nouvelle créature qui a dit ça.
Huit jours plus tard. La nouvelle créature dit que son nom est Ève. Parfait, je n’y vois pas d’inconvénient ; elle dit que c’est pour l’appeler quand j’ai besoin d’elle ; j’ai répondu qu’alors c’était du « superflu ». Ça a eu l’air de l’impressionner. Il est vrai que c’est un beau mot, qui sonne bien ; je le replacerai.

Marc Twain, Le Journal d’Adam et Ève, 1906

Et si Dieu était un enfant ?

Il était une fois une maman Dieu, avec son petit Dieu. La maman Dieu était installée dans un grand fauteuil et reprisait des chaussettes pendant que le petit Dieu, assis à une grande table, finissait ses devoirs.

Le petit Dieu travaillait en silence. Et quand il eut fini, il demanda :
« Dis-moi, Maman : est-ce que tu me donnes la permission de faire le monde ? »
La maman Dieu le regarda :
« Tu as fini tes devoirs ?
– Oui, Maman.
– Tu as appris tes leçons ?
– Oui, Maman.
– C’est bon. Alors, tu peux.
– Merci, Maman. »
Le petit Dieu prit une feuille de papier, des crayons de couleurs, et il se mit à faire le monde.

Pierre Gripari, Contes de la rue Broca, Paris : Gallimard, 1980.

La création selon les Noirs

« Non, mon fils, Adam n’est pas le Premier Homme selon nous, les Noirs. Eve non plus n’est pas la Première Femme.
– Grand-père, qui donc était le Premier Homme selon nous ?
– Ecoute… Donne-moi le temps de bourrer ma pipe.
– Tu fumes trop, grand-père.
– Cela me fait du bien… La lune est le Premier Homme.
– La lune notre ancêtre ! Que me racontes-tu là, grand-père ?  »

Abdou Anta Ka, La Création selon les Noirs, Dakar/Abidjan  Les Nouvelles éditions africaines, 1976.

Histoire universelle

Au commencement, la Terre était faite de travers, et il fallut bien des efforts pour la rendre plus habitable.

Gianni Rodari, Histoires au téléphone, Paris : La Farandole, 1983.

La stèle de la terre

Il était une fois, assis face à la ligne d’Infini qui sépare l’Ombre de la Lumière, un Poète.
Après avoir médité pendant dix mille ans, il trempa son pinceau dans l’encre de la nuit et, sur la surface blanche du jour, il traça le chiffre UN, cause de toutes les causes, origine de tout ce qui est.
Dix mille autres années de méditation lui révélèrent le principe de la Dualité contenue dans le chiffre un, comme dans toute chose. Alors, du chiffre premier, il tira le nombre DEUX.
Puis de deux, le nombre TROIS. Le jour ne contient-il pas le matin, le midi, le soir, et le temps, le passé, le présent, le futur ?

Pierre Aronéanu, Le Maître des signes, Paris : Syros, 1988.

Au commencement, nous étions un.
Mais Dieu nous jugeait impropres à le satisfaire ainsi, alors Dieu s’est mis à nous diviser. Dieu s’amusait beaucoup avec nous, puis Dieu se lassait et nous oubliait. Dieu pouvait être si cruel dans son indifférence qu’il m’épouvantait. Dieu savait se montrer doux, aussi, et je l’ai aimé comme je n’ai jamais aimé personne.
Je crois que nous aurions tous pu vivre heureux en un sens, Dieu, moi et les autres, sans ce maudit bouquin. Il me répugnait. Je savais le lien qui me rattachait à lui de la plus écœurante des façons, mais cette horreur-là est venue plus tard, bien plus tard. Je n’ai pas compris tout de suite, j’étais trop ignorant.
J’aimais Dieu, oui, mais je détestais ce bouquin qu’il ouvrait pour un oui ou pour un non. Dieu, lui, ça l’amusait énormément. Quand Dieu était content, il écrivait. Quand Dieu était en colère, il écrivait. Et un jour, où Dieu se sentait de très mauvaise humeur, il a fait une énorme bêtise.
Dieu a brisé le monde en morceaux.

Christelle Dabos, Les fiancés de l'hiver, Paris : Gallimard jeunesse, 2016.

Piste pédagogique : tous les ingrédients d'une cosmogonie

L'exercice consiste à construire un récit à partir d'ingrédients sélectionnés soit par choix, soit par hasard en choisissant un nombre de 1 à 7 dans chacune des catégories suivantes.

Le lieu du récit

  1. le chaos,
  2. le fond de l’océan,
  3. la dernière des galaxies,
  4. l’anneau de Saturne,
  5. une géante rouge,
  6. un trou noir,
  7. une étoile nouvellement née.

Le héros de l’histoire

  1. un extraterrestre,
  2. le survivant de la planète B 312,
  3. un enfant au regard bleu nuit,
  4. un géant au pied d’argile,
  5. un homme qui marchait à reculons,
  6. une toute petite planète,
  7. la grande déesse.

Une épreuve à franchir

  1. remonter le temps,
  2. la disparition de la pluie,
  3. déchiffrer une inscription dans une écriture inconnue,
  4. éviter une mutation génétique,
  5. tuer le monstre aux trois regards,
  6. franchir la mer de glace,
  7. retrouver la mémoire.

Un objet magique

  1. un rayon laser,
  2. une pierre sacrée,
  3. une planète magique,
  4. un œuf de cristal,
  5. une lettre de feu,
  6. l’eau de la régénérescence,
  7. le bâton de bien et du mal.

La rencontre d’un personnage bénéfique

  1. la femme oiseau,
  2. le lézard couleur du temps,
  3. l’homme d’Alidazur,
  4. le serpent d’argent,
  5. la déesse Naéma,
  6. l’ombre bleue,
  7. l’enfant aux cheveux d’or.

La rencontre d’un personnage maléfique

  1. la Division,
  2. le loup des steppes,
  3. le géant vert,
  4. le diable aux trois têtes,
  5. le dieu muet,
  6. le soleil mort,
  7. l’ombre de lui-même.

La morale de l’histoire

  1. on peut toujours trouver un plus méchant que soi ;
  2. l’avenir appartient à ceux qui se donnent la peine de l’explorer ;
  3. celui qui se contente de ce qu’il a se contente de peu ;
  4. ce qui a été séparé peut toujours être réuni ;
  5. ce qui brille n’a pas toujours de la valeur ;
  6. aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain ;
  7. le passé ne manque pas d’avenir.