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Bouddhisme, calligraphie et Sûtra du lotus

Sûtra de Guanyin
Sûtra de Guanyin

Bibliothèque nationale de France

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Pour le bouddhiste, l’acte calligraphique est un acte de foi qui offre une chance de racheter ses fautes. Multiplier les copies et les images saintes permet de propager la bonne parole et le message salvateur partout dans le monde.

Pour le bouddhiste, l’acte calligraphique est un acte de foi qui offre une chance de racheter ses fautes. Multiplier les copies et les images saintes permet de propager la bonne parole et le message salvateur partout dans le monde.

Sutra du Lotus de la Bonne Loi
Sutra du Lotus de la Bonne Loi |

© Bibliothèque nationale de France

Comme dans le très populaire Sûtra de Guanyin où la délivrance survient grâce au nom proféré du bodhisattva, une seule image sainte, voire un unique caractère sacré ouvre déjà toutes grandes les portes du salut. L’écriture peut en l’occurrence ne pas avoir de destinataire et n’avoir de valeur que par son existence même. Elle devient un trésor à engranger dans le temple, au même titre qu’une belle broderie ou un objet pieux précieusement ciselé. Le Sûtra du lotus qui a tant marqué le bouddhisme chinois ne cesse d’inciter les fidèles à vénérer les écrits sacrés, au point que chaque caractère d’un sûtra n’est plus simplement un signe d’écriture mais un bouddha lui-même.

Livre des annales
Livre des annales |

© Bibliothèque nationale de France

De la multiplication de ces images scripturaires dépend le bonheur tout à la fois individuel et universel. C’est ainsi qu’on explique pourquoi les bouddhistes furent les premiers à utiliser l’imprimerie, qui permet de multiplier l’image fidèle et d’accumuler ainsi les mérites. Qu’il s’agisse d’images ou de textes, la conformité aux règles canoniques est primordiale, le bouddhisme tolère peu les innovations et cependant les nombreuses productions graphiques montrent comment les individus ont su en peu de traits exprimer chacun leur foi de manière personnelle. Une copie soignée transmet le texte exact et marque la piété : toutes les copies du si vénéré Sûtra du lotus retrouvées à Dunhuang sont d’une belle exécution.

Vœux du bodhisattva Samantabhadra, du Sûtra de l’ornementation fleurie
Vœux du bodhisattva Samantabhadra, du Sûtra de l’ornementation fleurie |

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Le Sûtra du lotus

Préface des saints enseignements
Préface des saints enseignements |

© Bibliothèque nationale de France

Le Sûtra du lotus de la bonne Loi est un long texte du Grand Véhicule, nommé en sanscrit Saddharma-pundarika sûtra et en chinois Miaofa lianhua jing ou fahua jing. Ce sûtra au retentissement extraordinaire est devenu le texte fondamental de l’école Tiantai fondée sous les Sui. Il est le sûtra le plus populaire de la doctrine bouddhiste.
Il est le plus étudié et le plus souvent récité. Afin d’en faciliter la mémorisation, il contient des parties versifiées appelées gatha. Son influence s’est exercée de manière déterminante en Chine, au Japon et au Tibet. Il représente le sommet de l’enseignement bouddhique et transmet la manifestation de la vérité éternelle. Le texte exprime la nature fondamentale du Bouddha et instruit les adeptes, à l’aide de nombreuses images et paraboles, sur les moyens de parvenir à l’illumination et au salut universel. Il prône avec insistance l’acte salvateur de la copie des textes. Texte phare du bouddhisme sinisé, il a fait l’objet de multiples transcriptions qui se caractérisent toutes par une calligraphie très soignée. Plusieurs centaines de copies de ce texte ont été retrouvées à Dunhuang, réalisées entre le Ve et le début du11e siècle.

Le Sûtra de Guanyin

Sûtra du lotus
Sûtra du lotus |

© Bibliothèque nationale de France

Parmi celles-ci, il existe une centaine de copies de l’un des chapitres, le plus apprécié de tous, qui a circulé de manière indépendante sous le nom de Sûtra de Guanyin, Guanyin jing. Guanyin est le nom de l’assistant principal du Bouddha Amitabha de la terre pure de l’Ouest, un bodhisattva connu pour ses qualités de compassion universelle qui vint de l’Inde sous le nom d’Avalokitesvara. Sont présentés le chapitre premier, le chapitre 6, le chapitre 7 dans une copie du 18e siècle, et le chapitre 24 – ou 25 selon les recensions – du Sûtra de Guanyin qui a aussi fait l’objet d’une version illustrée. On ne connaît ni le nom des auteurs, ni la date de composition de ce sûtra qui a dû s’échelonner entre le 1er et le 2e siècle de notre ère. Une première traduction partielle du milieu du 3e siècle n’a pas été transmise. La plus ancienne connue est celle de Dharamraksa en 286. Toutefois, la plus célèbre, qui est aussi la plus précise et la plus élégante, est celle du moine Kumarajiva (344 ou 350-413).

Les mérites acquis par la copie

Sûtra de Guanyin
Sûtra de Guanyin |

Bibliothèque nationale de France

Ce sûtra est le texte le plus explicite quant aux mérites acquis par sa récitation et sa copie : « Si un fils de bien, ou une fille de bien, accepte et garde ce Livre du lotus de la Loi, s’il le lit, le récite, l’explique, le copie, cette personne obtiendra huit cents mérites pour l’œil, mille deux cents mérites pour l’oreille, huit cents mérites pour le nez, mille deux cents mérites pour la langue, huit cents mérites pour le corps, mille deux cents mérites pour le mental. » […] « De même encore que, dans la multitude des étoiles, c’est la divine lune qui est primordiale, ainsi en est-il de ce Livre du lotus de la Loi, qui est le plus lumineux des milliers de millions de myriades de textes et enseignements. De même encore que le divin soleil est capable de dissiper les ténèbres, ainsi en est-il de ce texte canonique, capable d’éliminer l’obscurité de l’ensemble des manquements au bien. De même encore que, parmi les rois mineurs, le saint roi de l’orbe est le plus éminent, ainsi en est-il de ce livre, qui est le plus vénérable des textes canoniques. De même encore qu’Indra est roi parmi les dieux Trente-Trois, ainsi en est-il de ce livre, qui est roi parmi les textes canoniques. » […] « Si l’on obtient d’entendre ce Livre du lotus de la Loi, si on le copie soi-même ou si on le fait copier par autrui, même en dénombrant leur quantité à l’aide de la sagesse d’Éveillé, on n’atteindra pas au terme des mérites qui en seront acquis. Si l’on copie les volumes de ce texte canonique et si on leur fait des offrandes de fleurs, d’encens… les mérites obtenus seront également innombrables. »
(Traduction de Robert 1997, chap. 19, p. 311 et chap. 23, p. 348-350.)

À la fin de la dynastie des Han, en 220 de notre ère, s’ouvre une première période dite des Trois Royaumes où le territoire est divisé en États rivaux de Wei, Shu (Sichuan) et Wu (Sud). Une époque de fragmentation territoriale encore plus grande va suivre jusqu’à l’établissement des Sui qui réunifient enfin l’Empire en 589.
Remplaçant l’État de Wei, les Jin, ou Jin de l’Ouest, Xi-Jin (265-316), imposent une unification temporaire, avec Luoyang pour capitale. Contraints de fuir sous la poussée des peuplades Xiongnu venues du Nord, les Jin s’établissent au Sud sous le nom de Jin de l’Est (317-420), « Dong Jin », avec pour capitale Jiankang (Nanjing). Cette ère raffinée n’est pas évoquée par des documents originaux mais par la figure et l’œuvre d’un lettré de cette époque, Wang Xizhi. Des dynasties successives, non chinoises, dites « Dynasties du Nord » occupent une partie du territoire de 386 à 581, tandis qu’au sud se succèdent les « Dynasties du Sud » entre 317 et 589. Lors de cette phase de morcellement et de rivalité, désignée sous le terme Nan-Bei chao, « Dynasties du Sud et du Nord », entre 420 et 589, le bouddhisme connaît des fortunes diverses mais continue néanmoins à se développer, particulièrement au Nord, le taoïsme étant plus répandu au Sud. Les rouleaux antérieurs à la dynastie des Tang (618-907) présentés ici en témoignent. L’un d’eux, datable de l’année 406, provient du territoire contrôlé par les Liang. La région de Liangzhou dans le corridor du Gansu voit l’établissement de cinq États portant le nom de Liang qui font partie des seize petits États, dits Shiliu Guo, qui se partagèrent le Nord de la Chine pendant 135 ans. Les Qian Liang (317-376), les Nan Liang (397-414), les Hou Liang (386-403), les Xi Liang (400-420) et enfin les Bei Liang (397-439), les plus zélés à propager la foi bouddhique, même lorsque, vaincus par les Wei du Nord (386-534), ils migrèrent plus à l’ouest vers la région de Turfan. Quatre rouleaux appartiennent à cette dynastie des Wei du Nord, contrôlée par une tribu Xianbei du clan des Tuoba, qui unifia le Nord de la Chine et établit sa capitale à Datong, puis à partir de 493 à Luoyang. Ces copies bouddhiques datent de 471, de 514, l’une d’elles n’est pas datée, et la dernière fut réalisée en 532. Cette dynastie des Wei tomba en 534, remplacée dans le Nord par celle des Qi du Nord (550), puis par celle des Zhou du Nord (557-581). Avec pour capitale Jiankang (Nanjing), se succèdent au Sud les Six Dynasties, terme qui s’applique parfois dans un sens moins restrictif à l’ensemble de toute la période de désunion. Un rouleau daté de 519 se rattache aux Liang (502-557), la prononciation est la même mais la graphie diffère de celle des États du Nord nommés ci-dessus. Un autre, des années 576-577, fut réalisé sous les Chen (557-589) qui succédèrent aux Liang établis dans le Sud. Dès 589, cette ultime dynastie du Sud est soumise et la Chine réunifiée par les Sui (581-618) avec pour capitale Daxing (Xi’an). Un rouleau calligraphié sous les Sui date de 589. Près de 80 sanctuaires ont été creusés dans les grottes de Dunhuang sous cette dynastie qui ne dura que trente-huit ans, au cours de laquelle le bouddhisme joua un rôle essentiel comme facteur d’unification du pays, et où 230 000 moines et nones se convertirent. Remplaçant les Sui, avec pour capitale Chang’an (Xi’an), la brillante dynastie des Tang maintint la Chine unifiée sous sa loi pendant trois siècles (618-907). De nombreux rouleaux datent de cette période.