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La transmission du texte biblique

Adam, premier mot du livre des Chroniques
Adam, premier mot du livre des Chroniques

Bibliothèque nationale de France

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L’histoire de la transmission du texte biblique est aussi ancienne que la Bible elle-même. Au fil de l’histoire, des règles précises ont été édictées par différentes communautés afin d’éviter toute falsification de la Torah.

Suite à la dispersion du peuple juif après l’exil de Babylonie et à la fixation des communautés juives de la diaspora, les maîtres traditionnaires ont dû recourir à des techniques pour conserver à la tradition biblique une unité indiscutée. Cette œuvre conservatoire était devenue indispensable à la suite de la lente désaffectation de l’hébreu en tant que langue nationale  non seulement dans l’étendue de la diaspora mais en Judée même –, peu à peu réduite à l’état de langue sacrée et savante, cédant le pas, dans l’usage quotidien, aux coutumes et aux influences dialectales des langues vernaculaires environnantes (araméen, grec, latin, puis arabe).

Les massorètes

Pour mettre fin au déclin du savoir national et traditionnel et conserver l’unité de la lecture des textes sacrés et, surtout, pour permettre leur transmission exégétique selon les règles traditionnelles, il était devenu indispensable de fixer de façon précise la lecture du texte et d’instituer des usages normatifs afin d’en préserver la pureté.

Trente lignes en quinconce évoquant des briques
Trente lignes en quinconce évoquant des briques |

© Bibliothèque nationale de France

L’histoire de la transmission du texte biblique est aussi vieille que la Bible elle-même : après des débuts empiriques des règles officielles commencèrent à naître, fut alors rédigé un ensemble de livres et de traités que l’on nomme Massorah (la racine hébraïque masar signifie « transmettre »). Les savants qui s’occupèrent de cette science, nommés massorètes, furent ou des individus particuliers ou le plus souvent des écoles entières, la plus connue étant l’école massorétique de Tibériade (10e siècle). Ils signalent, par exemple, les différentes versions existantes, fixent la vocalisation, la cantilation, les écritures pleines et les écritures défectives, les blancs ouverts et les blancs fermés, le nombre d’occurrences de tel mot ou de telle forme particulière.

Livre d’Isaïe
Livre d’Isaïe |

© Bibliothèque nationale de France

Bible hébraïque
Bible hébraïque |

Bibliothèque nationale de France

La traduction en grec des Septante

Au 3e siècle avant l’ère chrétienne, à Alexandrie, les cinq livres de la Torah (ou Pentateuque) furent traduits en grec. Cet événement tout à fait extraordinaire fut suivi au cours des générations ultérieures par la traduction des autres livres du judaïsme  Psaumes, livres des Prophètes, livres historiques et poétiques  jusqu’à former, aux alentours du Ier siècle, l’ensemble des livres en grec que nous appelons la Bible des Septante ou, plus simplement, la « Septante ».

Ce passage de la langue hébraïque à la langue grecque fut très controversé, certains y virent un moyen de diffusion de la pensée juive dans tout l’univers païen, d’autres la considérèrent comme une œuvre de trahison et de perversion dont le souvenir devait susciter non pas la joie mais le deuil. Le Talmud soutint d’abord la seconde opinion puis salua le côté miraculeux de l’entreprise. Enfin la Loi fut instituée selon Rabban Chimon Ben Gamliel Nassi qui non seulement autorisa la lecture de la Bible en grec mais en souligna le caractère de bénédiction, invoquant le verset 27 du chapitre IX de la Genèse : « Que Dieu grandisse Yafet. Qu’il réside dans les tentes de Chem ; et que Kenaan soit leur esclave. » Pour la Bible, Yafet est l’ancêtre des Grecs et Chem l’ancêtre des Hébreux chémites (sémites).

Les livres deutérocanoniques

La version grecque de la Bible peut être considérée comme une Bible juive parce qu’elle fut traduite par des maîtres du judaïsme à l’attention de la communauté juive de langue grecque. Cependant, elle diffère dans sa structure et dans son contenu de son original hébraïque : l’ordre des livres ne suit pas le canon hébraïque et on trouve un nouvel ensemble de livres considérés par ce dernier comme « extérieurs » ou « apocryphes » réunis sous l’appellation de « deutérocanoniques ». Ces textes supplémentaires sont ensuite entrés dans le canon biblique chrétien appartenant à ce qui fut intitulé « Ancien Testament ».

Le canon biblique

Les histoires, et l’histoire, racontées dans le texte biblique couvrent une période qui va de la Création du monde au retour de l’exil de Babylone en 520 avant l’ère chrétienne. La Bible hébraïque se termine par le livre des Chroniques, et le dernier verset rapporte la parole de Cyrus, roi des Perses, qui dit avoir reçu l’ordre de Dieu de lui construire une maison à Jérusalem dans le pays de Judée : « C’est lui qui m’a donné mission de lui bâtir un temple à Jérusalem, qui est en Judée. S’il est parmi vous quelqu’un qui appartienne à son peuple, que l’Éternel son Dieu soit avec lui pour qu’il monte ! »1

Les récits de la Genèse se déroulent aux alentours du 18e siècle avant l’ère chrétienne, la sortie d’Égypte relatée dans l’Exode se situe vers le 14e siècle, et la monarchie de David et de Salomon vers le 10e siècle.

Les différents livres ont été rédigés après l’apparition des événements et de nombreuses discussions existent pour dater exactement l’époque de leur rédaction. Pour les lecteurs de la Bible, la question de la datation de l’écriture n’est quasiment jamais posée car tout est vécu sur un mode atemporel ou sur la différence simple présent / passé / futur. Pour le lecteur de la communauté des Livres, des événements fondateurs ont eu lieu qui sont la source de son identité, de son identité narrative, ces textes sont des « mythes » au sens de paroles fondatrices d’identité. La question du sens de l’historiographie dans le judaïsme reste une question ouverte et passionnante qui dépasse le cadre de cette présentation.

Le canon de la Bible hébraïque fut fixé très tardivement à l’époque talmudique (premiers siècles de l’ère chrétienne), puisque l’on trouve encore des discussions dans le Talmud concernant certains livres à inclure ou non dans le canon, comme le Livre d’Esther par exemple.

Notes

  1. II Chroniques, XXXVI, 23.

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