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Parcours pédagogique

L'homme et l'animal

Neuf regards humains sur les animaux
Par Maxime Cambreling, professeur de lettres classiques
Aes signatum aux bœufs
Ce parcours propose des textes latins, accompagnés de documents archéologiques et iconographiques, pour aborder avec des élèves de seconde générale neuf regards portés par les Hommes sur les animaux et mesurer leur variété.
Richesse, mythe ou symbole, l’animal pour les Romains est plus qu’un objet.
On pourra, en classe, choisir quelques textes et images à approfondir, dans leur étude, leur analyse, quand d’autres ne serviront qu’à apporter un contre-point, témoigner d’autres regards. L’ensemble pourrait constituer l’ossature d’une séquence que chacun construira à sa guise, selon ses élèves et ses besoins. Quelques propositions d’activités avec les élèves peuvent donner des idées pour impliquer les élèves dans ce parcours.
Les ressources pour réaliser l'activité

L’animal-richesse : Romanorum uero populum a pastoribus esse ortum quis non dicit ?

Qui oserait nier que le peuple romain n’ait eu des pâtres pour ancêtres ?

Varron, dans son ouvrage d’agronomie De Agricultura, réfléchit sur l’élevage dans son livre II. Il agrémente son texte de réflexions sur les traditions romaines qui en sont issues et, comme à son habitude, de proposition d’étymologies, où il présente l’animal comme une richesse.

Grâce à son texte, on peut explorer le champ lexical du bétail : bœuf (bubus), mouton (ovis), troupeau (pecus), taureau (taurus), vache (vacca), porc (sus dans suovetaurilla), verrat (verres), bélier (aries) et rechercher des mots contemporains qui en sont issus (ovin, taurin, suidé, pécunaire…)

Ce texte et la monnaie de bronze permettent de réfléchir à la notion de richesse dans les sociétés les plus anciennes, et à la place fondamentale de l’élevage depuis l’époque archaïque, ainsi qu’aux espèces les plus prisées. Datée de vers 280-250 avant J.-C., cette monnaire est l'une des plus anciennes du monde romain. Sa forme tient davantage du lingot que des monnaies rondes et frappées que l’on connaît mieux, encore aujourd’hui. Avec son 1,375 kg , elle n’était sans doute pas une monnaie des échanges du quotidien. Peut-être même, d’ailleurs, qu’elle valait littéralement un bœuf en cette période pas encore complètement monétisée et où le troc devait encore être d’un usage courant.

Par ailleurs Varron a sans doute raison de rapprocher pecus (le bétail) et pecunia (l’argent)...

On peut guider les élèves dans une analyse et une traduction du passage : « populus Romanus cum lustratur suouitaurilibus, circumaguntur uerres aries taurus. »

Vocabulaire :

  • pŏpŭlus,  i, m.  peuple
  • Rōmānus, a, um  : romain
  • cŭm, quand
  • lūstro, as, are  : purifier par un sacrifice expiatoire, parcourir
  • sŭŏvĕtāurīlĭa, ium, n. : suovétaurilies, sacrifice dans les lustrations
  • cīrcŭmăgo, is, ere, egi, actum : (au passif) mener, pousser autour
  • vērrĕs, is, m. : verrat
  • ărĭēs, etis, m. : bélier
  • tāurus, i, m. : taureau

L’extrait permet de revoir la morphologie et la traduction de la forme passive, grâce aux 3e personnes (singulier et pluriel).

L’animal, une matière première divinatoire

Cicéron, dans son traité sur la divination, s’interroge sur les pratiques divinatoires et en particulier sur la lecture des entrailles des animaux sacrifiés. Ici, il s’étonne des animaux auxquels il manque des viscères : est-il possible qu’ils n’en aient jamais eus, ou ont-ils disparu au moment de l’immolation ? L’animal est-ici une sorte de livre où lire les signes des dieux.

On peut en particulier analyser et traduire le passage suivant : « Qui cum immolaret illo die quo primum in sella aurea sedit et cum purpurea ueste processit, in extis bouis opimi cor non fuit. Num igitur censes ullum animal, quod sanguinem habeat, sine corde esse posse ? »

Vocabulaire :

  • quī, quae, quod, : qui
  • cŭm (+subj): alors que
  • īmmŏlo, as, are : sacrifier
  • īllĕ, illa, illud :  celui-ci, celle-ci, il, elle
  • dĭes, ei, m. et f. : jour
  • prīmŭm, adv. : d'abord, pour la première fois
  • sēlla, ae, f. : chaise
  • āurĕus, a, um : d'or
  • sĕdĕo, es, ere, sedi, sessum : être assis ; siéger ; séjourner, demeurer
  • cŭm: avec
  • pūrpŭrĕus, a, um : de pourpre
  • vēstĭs, is, f.  : vêtement
  • prōcēdo, is, ere, cessi, cessum  : s'avance
  • ēxta, orum, n. pl. : entrailles
  • bōs, bouis, m. : boeuf
  • ŏpīmus, a, um : riche, gras
  • cŏr, cordis, n. : coeur
  • nŭm, adv. interr. : est-ce que
  • ĭgĭtŭr, conj.  : donc
  • cēnsĕo, es, ere, censui, censum : estimer, être d'avis
  • ūllus, a, um : un seul, quiconque (remplace nullus dans une tournure négative)
  • ănĭmăl, alis, n. : être vivant, animal
  • sāngụĭs, inis, m.  : sang
  • sĭnĕ, prép. + abl. : sans

Ce passage, qui comporte le terme « animal », permet de s’interroger, avec Ciceron, sur ce qui fait l’animal : le sang, le cœur… ? Il montre aussi que ces animaux sacrifiés étaient scrutés, lus, pour identifier les signes envoyés par les dieux. Et Ciceron de s’interroger : est-il un animal sacré avant d’être choisi pour le sacrifice ? Ou même avant sa mise à mort ?

La monnaie en contre-point est un bronze provincial romain émis à Pergame sous Caracalla, qui représente une scène de sacrifice bovin devant le temple d'Asclepios. Ces scènes sont assez courantes sur les monnaies romaines. Elles figurent presque exclusivement l’immolation de bovidés, car il s'agit de grands sacrifices publics, réalisés par ou pour l’empereur. Les sacrifices sanglants du quotidien concernaient des animaux plus petits (volaille, petits mammifères…).

L’animal-spectacle

Parmi les loisirs les plus prisés de Romains : les jeux de l’amphithéâtre. Au-delà des traditionnelles oppositions de gladiateurs, de nombreux spectacles mettent en scène des animaux : présentation d’espèces exotiques, chasses (venationes) menées par des gladiateurs spécialisés (les venatores, bestiarii, ursarii...) contre des animaux féroces, ou combats entre animaux. La damnatio ad bestias (condamnation aux bêtes) était quant à elle une condamnation à mort infamante où les condamnés étaient livrés aux fauves dans l’amphithéâtre sans moyen de se défendre.

De tels spectacles proposent une mise en scène de l’affrontement entre l’Homme et l’animal, et en particulier les espèces considérées comme dangereuses : félins, pachydermes, ours, bovins, sangliers... Les espèces exotiques mais peu agressives sont simplement exhibées au public.

Pour lire des description de ces exhibitions, chasses, combats d’animaux et exécutions ad bestias, le Livre des spectacles de Martial est une source très accessible. Il présente ainsi, entre autres, un certain nombre de ces combats d’animaux célébrés en épigrammes, rédigés à l’occasion de l’inauguration de l’amphithéâtre flavien, le Colisée, entre 80 et 82. Deux, en particulier, décrivent un engouement pour un rhinocéros, sans doute conduit à grands frais à Rome.

On peut guider les élèves dans une analyse et une traduction de l’épigramme XXII à l’aide du vocabulaire suivant :

  • sōllĭcĭto, as, are : remuer, agiter, ébranler ; troubler ; exciter à, provoquer à
  • păvĭdus, a, um : effrayé, épouvanté
  • dŭm, conj. sub.: (+ ind.) pendant que, jusqu'à ce que
  • rhinoceros, otis, m : le rhinocéros
  • măgīstĕr, tri, m. : maître (ici, du rhinocéros)
  • dĭū, adv. : longtemps
  • māgnus, a, um : grand
  • cōllĭgo, is, ere, legi, lectum  : ramasser, reprendre
  • īra, ae, f. : colère
  • fĕra, ae, f. : bête sauvage
  • dēspēro, as, are : désespérer
  • prōmītto, is, ere, misi, missum  : promettre
  • prōelĭŭm, ii, n. : combat
  • Mārs, Martis, m.: Mars
  • sĕd, conj. : mais
  • tāndĕm, adv. : enfin
  • rĕdĕo, is, ire, ii, itum: revenir
  • cōgnĭtus, a, um : connu, reconnu
  • āntĕ : avant
  • fŭrŏr, oris, m. : fureur, folie furieuse
  • nāmque : car
  • grăvĭs, e : sérieux, triste, lourd
  • cōrnū, us, n. : corne
  • gĕmĭnus, a, um : jumeau
  • sīc : ainsi
  • ēffĕro, fers, ferre, extuli, elatum : porter dehors, emporter
  • ūrsus, i, m. : ours
  • jācto, as, are  : jeter, lancer
  • ŭt :  comme
  • īmpōno, is, ere, sui, situm : placer sur
  • tāurus, i, m. : taureau
  • āstrŭm, i, n.  : astre, étoile
  • pĭla, ae, f. : balle

Sous le règne de Domitien fut émis un célèbre quadrans, daté d'entre 83 et 85, qui figure un rhinocéros, animal rarement vu à Rome. Avant Domitien, le dernier avait été offert par Pompée plus d’un siècle auparavant. Il est très tentant de rapprocher la monnaie et les épigrammes : et si elles figuraient le même animal ? Des épigrammes auraient-elles été composées plus tardivement, ou un rhinocéros aurait-il été exhibé pendant quelques années autour de 82-83 ? Quoi qu’il en soit, cette monnaie, la plus petite de l’époque, était de circulation très quotidienne et passait par les mains des Romains les moins fortunés, et montre comme le pouvoir rappelle au peuple ce qu’il lui offre : des jeux, des animaux extraordinaires.

La seconde monnaie, un denier daté de 42 avant J.-C., est l'un des très rares exemples monétaires romains à représenter des combats de gladiateurs. Il s’agit ici d’une venatio (chasse) menée par des beluaires. On peut, avec les élèves, chercher à identifier les espèces animales (bovin (?), fauves (lion ? panthère ?)) et l’armement des gladiateurs (casque, arme courte, bouclier en haut ; arme longue et peu d’équipement défensif en bas, reprenant l’opposition gladiateur lourd / gladiateur léger habituelle pour les spectacles).

Les ressources pour réaliser l'activité

L’animal des prodiges

Les dieux envoient de nombreux signes aux Hommes, qui comprennent que ce sont des signes par leur caractère extraordinaire. Ces signes prennent souvent la forme d’un animal extraordinaire, ou avec un comportement hors du commun. On pensera évidemment à la Louve allaitant Romulus et Rémus. On mesure l’importance des animaux dans les prodiges à la lecture du Prodigiium Liber (Livre des Prodiges), de Julius Obsequens (milieu du 4e siècle) qui rapporte, année par année, les signes envoyés par les dieux. On ne peut que remarquer l’importance que les Hommes accordaient à l’observation de la nature, et en particulier des animaux et de leur comportement, et des forces météorologiques, jusqu’à cette période des derniers feux du paganisme.

Énée, ancêtre mythique des Latins, fut le témoin de plusieurs de ces prodiges animaux.

La laie blanche

D’abord, une prophétie (qui se réalisera) annonce qu’une laie blanche aux trente porcelets lui indiquera où s’installer en Italie, comme le rapporte Virgile dans l’Énéide (III, 388-393).

On peut amener les élèves à comparer les deux traductions, à réfléchir à celle qu’ils préfèrent, celle qu’ils trouvent la plus proche du texte latin, et aux raisons de leur préférence. On se posera ainsi la question du difficile travail de traduction, littérale ou littéraire, et on mesurera la gageure à traduire de la poésie et l’immense compétence de l’abbé Delille. On pourra aussi guider les élèves dans une analyse et une traduction du dernier vers du passage, en gras, et leur faire construire une traduction qui les satisfasse encore davantage que les deux déjà proposées.

Cet épisode, qui conduit à la fondation de Lanuvium, a été illustré sur les monnaies et médailles romaines, en particulier sous Antonin le Pieux.

L'aigle, le loup et le renard de Lanuvium

Énée fut le témoin d’un autre miracle à Lanuvium mettant en scène des animaux. Il est rapporté par Denys d’Halicarnasse, auteur grec du 1er siècle avant notre ère : c’est l’épisode du prodige de l’aigle, du loup et du renard de Lanuvium (où se trouvait le groupe statuaire qui le commémorait) qui est représenté au revers de deniers de la gens Papia en 45 avant notre ère.

L’animal des mythes : un monstre ?

Dans les récits mythologiques, on trouve également beaucoup d’animaux, souvent hors du commun, mais qu’on identifie facilement à des animaux réels : lion de Némée, sanglier d’Erymanthe, sanglier de Calydon, oiseaux du lac Stymphale, biche de Cérynie, taureau de Crète, chevaux de Diomède, bœufs de Géryon, aigle du Caucase, truie de Crommyon… Beaucoup d’entre eux sont décrits comme mortels pour les Hommes, ou au moins causant de terribles ravages. Ils ont donc souvent d’ailleurs dû être combattus, et parfois éliminés, par Hercule, le grand éradicateur de monstres. Les premiers héros sont ceux qui ont permis aux Hommes d’être débarrassés des animaux monstrueux.

Dans les Fables d’Hygin, manuel de mythologie, sept des douze travaux consistent à vaincre des animaux (lion de Némée, sanglier d’Erymanthe, biche de Cérynie, oiseaux du lac Stymphale, taureau de Crète, cavales de Diomède, fumier des bœufs d’Augias) auxquels on pourrait ajouter les bœufs de Géryon, les serpents étouffés dans son berceau…

L’extrait du Premier Mythographe du Vatican est un témoignage précieux des abrégés de mythologie rédigés au Moyen-Âge. Ils témoignent de l’intérêt pour les histoires, mais aussi des écarts avec les sources antiques : ici, le mythographe dit qu’Hercule tua le sanglier d’Erymanthe (alors qu’un boucher s’en chargea) et prit ses bois à un cerf (alors qu’il ne fit aucun mal à l’animal qui était en réalité une biche bien que dotée de bois : la biche de Cérynie, consacrée à Diane).

On peut amener les élèves à s’interroger sur les différences entre le texte d’Hygin et celui du Premier Mythographe du Vatican : quels regards ont changé en mille ans ? On attirera l’attention sur les modalisateurs, et en particulier la tournure « fabulae finguntur », dans ce contexte chrétien.

On pourra aussi évoquer le statut de la langue latine au Moyen-Âge, langue de l’école, de l’Église, de la culture savante, et celui de la culture antique (on voit ici que l’auteur cite Lucain) qui a entraîné le besoin de manuels de mythologie (les trois mythographes du Vatican par exemple) pour comprendre des motifs littéraires ou iconographiques. On pourra battre en brèche l’idée reçue selon laquelle le Moyen-Âge aurait oublié l’Antiquité.

Sur le denier de la gens Volteia, frappé en 78 av JC, les deux faces illustrent la légende d’Hercule. En effet, l’avers représente la tête d’Hercule juvénile, coiffé de la léonté, dépouille du lion de Némée, mais imberbe, comme c’est régulièrement le cas dans le monde étrusque et romain. Le revers figure quant à lui le sanglier d’Erymanthe qu’il a vaincu.

Sur la statuette romaine en bronze, et sur l’intaille en forme de scarabée, Hercule est montré capturant la biche de Cérynie, aux bois et aux sabots d’or (ou d’airain selon les sources), dont Apollodore le Mythographe nous apprend qu’elle a des bois bien qu’elle soit une biche. Le héros l’attrape par les bois et maîtrise le cervidé de son genou droit, dans une posture très répandue (connue dans un grand bronze de Pompéi, de nombreuses mosaïques ou sur des monnaies) reprenant une œuvre attribuée à Lysippe.

Les mythes d’hybridation : l’Homme-animal

De nombreuses créatures mythologiques mêlent parties humaines et animales : les centaures (homme et cheval), les sirènes et les harpies (femme et oiseau), la sphinge (femme et lionne), les satyres (homme et diverses parties animales, essentiellement caprines ou équines), Echidna (femme et serpent) ou le Minotaure (homme et taureau). Toutes ces créatures ont en commun d’être néfastes, dangereuses, souvent mortelles. Dans le paradigme grec du kalos kagathos (beau et bon), le mélange, l’hybridation, ne peut donner que des êtres laids et mauvais.

Le Minotaure

Leur origine, même, est souvent monstrueuse ou criminelle, comme le rapporte Hygin à propos du Minotaure. On peut rapprocher la nouvelle de Borges, la coupe de la BnF et le tableau de George Frederic Watts, peintre anglais du 19e siècle, qui sont de rares œuvres à humaniser le Minotaure et à susciter presque de la pitié chez le spectateur ou le lecteur. On peut s’interroger sur les moyens qui l’ont permis (référence à la mère et à l’enfant, représentation sans la violence ou la puissance habituellement attribuées au monstre…).

Se protéger des monstres

Sur les intailles dites « magiques » ou « gnostiques » (comme celle avec la sirène), on utilise la puissance maléfique de nombreux dieux, déesses, démons… pour s’en protéger grâce à des amulettes. Le type de pierre (ici de l’hématite), les formules inscrites (souvent inintelligibles comme ici, et en alphabet grec) et l’iconographie ont une valeur prophylactique.

Les ressources pour réaliser l'activité

L'animal rébus

Les Romains étaient amateurs de jeux de mots et d’étymologie. Ils recourraient souvent à des jeux de sonorité pour expliquer l’origine d’un mot ou d’un nom. Et parmi ces origines, souvent, on trouve des noms d’animaux, comme le signale Varron dans son texte.

On pourra faire expliciter aux élèves la pensée de Varron : de quels noms d’animaux viennent tous ces Porcius, Ovinius, Caprilius, Equitius, Taurius, Asinius… ? On pourra également aborder la particularité romaine de « tria nomina », puisque le texte parle de nomina et cognomina.

De nombreuses monnaies romaines font apparaître ou soulignent le nom du magistrat monétaire avec une image, parfois d’un objet, souvent d’un animal, qui évoque ou rappelle le nom de sa famille (ou son propre cognomen). On peut ainsi proposer aux élèves de deviner sur ces quatre deniers, quels animaux évoquent le nom de la gens des monétaires :

L'animal enseigne

De façon quasi-héraldique, chaque légion avait un emblème sur ses enseignes sacrées, or 28 sur les 30 légions ont eu pour emblème (entre autres) un animal ou une créature mythologique (le capricorne ou pégase par exemple).

Appien rapporte l’origine du choix de l’éléphant pour la Ve légion (nommée Alauda, c’est-à-dire l’Alouette, nom d’animal à l’étymologie celtique).

Ces enseignes légionnaires sont fréquentes sur les monnaies romaines, et elles montrent même parfois leur emblème animal. Ainsi, le revers de la monnaie de bronze de Gordien III frappée à Viminacium (aujourd’hui en Serbie) montre la province de Mésie tenant deux enseignes au bout desquelles on voit un lion et un taureau, emblèmes de la légion VII Claudia (le lion) et de la légion IV Flavia (le taureau), stationnées sur place pour défendre le Danube.

On peut faire rechercher aux élèves le nom de chacune des légions sur la monnaie de Viminacium (à la maison, au CDI…) en utilisant le lien du Dictionnaire des antiquités grecques et romaines fourni ci-dessus et en leur faisant explorer les pistes autour de Gordien III, de Viminacium… La recherche n’est pas très compliquée et aboutit assez rapidement.

L'animal métonymie : un animal pour représenter une région

La lecture des textes ou des monnaies montre que l’association de certains animaux à certaines régions était systématisée. La Parthie et la Maurétanie sont les pays des chevaux, l’Arabie le pays des dromadaires, l’Afrique les pays des lions et des éléphants, l’Égypte celui des crocodiles, l’Hispanie celui des lapins… à tel point qu’ils en deviennent un attribut iconographique, voire une métonymie.

Le lapin d'Hispanie

Dans le texte de Catulle, on pourra amener les élèves à repérer le passage où il est question de lapins et d’Hispanie, et à expliquer les raisons de leur repérage. Il est possible aussi de le mettre en rapport avec la monnaie d'Hadrien. Empereur voyageur, il fait frapper des monnaies illustrant les provinces traversées ; sur son aureus, l'Hispanie est représentée un lapin à ses pieds. On remarquera, en comparant avec le jeton de jeu en ivoire, la similitude dans la représentation d’un lapin : ramassé, rond, aux oreilles relativement courtes (contrairement au lièvre plus long, plus fin, et aux oreilles bien plus longues). On pourra enfin, avec les élèves, aborder la fortune du mot « cuniculus » et de la construction du mot « lapin ».

Le crocodile d'Égypte

Comme l’écrit Pline : Crocodilum habet Nilus. Le crocodile est tellement endémique au Nil, fleuve au fondement de l’Égypte, qu’Octave, après avoir vaincu Marc-Antoine et Cléopâtre à Actium et pris possession du royaume des pharaons à titre personnel, célèbre cette prise par un simple saurien avec la légende AEGVPTO CAPTA (« pour l’Égypte prise »). On pourra faire des observations anatomiques sur l’animal et réfléchir au naturalisme des représentations (le jeton montre un animal souple, gracile, presque prêt à bondir, quand la monnaie montre un crocodile à la peau épaisse, écailleuse et à la mâchoire redoutable, les deux insistant sur les arcades prononcées).

Les ressources pour réaliser l'activité

Ces neuf regards, dont témoignent les textes et images ici présentés, montrent les très nombreux sens dont les Romains investissaient les figures animales. Symboles, objets, richesses, envoyés des dieux… Aussi n’est-il pas étonnant que certains penseurs antiques se soient posé la question du respect de la vie animale et de la consommation de viande. Pythagore (au 6e siècle av JC), Plutarque (aux 1er-2e siècles), Porphyre (aux 3e-4e siècles)… ont pu être vu comme des défenseurs de la cause animale.

Ovide rapporte notamment dans les Métamorphoses un discours attribué à Pythagore qui défend l'interdiction de manger de la chair animale. On pourra chercher les raisons qui font penser à Pythagore qu’il faudrait se passer de viande (la réincarnation et la métempsychose) et réfléchir à ce qui différencie l’Homme de l’Animal pour le philosophe-mathématicien (selon Ovide) : l’Homme peut modifier son régime alimentaire et ainsi dépasser sa condition animale.

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